• Ce pétrole du XXIe siècle est au centre d’une bataille entre les géants de ce monde.
  • Pourquoi ce minerai, incontournable dans la fabrication des batteries électriques, est-il de plus en plus convoité ?
  • Une équipe du 20H de TF1 a suivi en exclusivité une entreprise française qui investit dans le lithium argentin.

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Le 20H

Depuis 15 ans, Christophe Thiller sillonne le nord-ouest argentin pour trouver encore et encore du lithium, ici au cœur de la cordillère des Andes. « On est sur la route du lithium, on est à 4.300 mètres d’altitude », précise ce géologue, directeur de l’exploration au sein du Groupe Eramet. Une richesse invisible à l’œil nu, souterraine. Le résultat de plusieurs millions d’années de tectonique des plaques et d’érosion. « On travaille sur de la télédétection, des images satellites et puis bien sûr des reconnaissances sur le terrain » explique l’expert. Cette entreprise française, Eramet, a dépensé 50 millions d’euros en recherche dès 2011 avant de réussir à bâtir une usine. Un milliard d’euros d’investissement. Une ville au milieu d’un désert gorgé de lithium. 

CAPTF1

Au total, 700 personnes alternent ici, sept jours de travail et sept jours de repos. Un métier éprouvant à 4.000 mètres d’altitude. « Les conditions sont extrêmes à cause du vent, souligne Johan Carette, directeur du projet lithium chez Eramet. On a des vents qui montent à 110-120 km heure. Quand on a ce genre de conditions, on est obligé d’arrêter le chantier. » Le lithium est ici, partout autour de nous, dans ces énormes tuyaux sous forme liquide. En réalité, cette usine est une gigantesque station de pompage. Car le précieux minerai argentin se trouve dans des nappes d’eau souterraines. Une eau blanchâtre, salée, gorgée de minéraux. « On appelle cette eau de la saumure. Quand on la laisse à la surface, elle cristallise très vite à cause de la différence de température », précise Roberto Villa, ingénieur argentin pour le compte de l’entreprise Eramet. 

Qu’y a-t-il précisément sous la terre et à quelle profondeur ? « Sous nos pieds, on a le réservoir de saumure. Ce réservoir, il s’étend de la surface jusqu’à 400 mètres de profondeur. C’est de l’eau salée. Et nos puits vont aller chercher les saumures riches en lithium, les remonter et ensuite, on les achemine jusqu’à l’usine », assure Christophe Lithier. Ce sont 175 km de tuyaux au total. L’empreinte la plus visible de cette drôle de mine. Cette eau est ensuite filtrée.  Grâce à un procédé inventé à 11.000 km, à Trappes, dans les Yvelines. « Alors ça, c’est vraiment notre secret industriel », s’enthousiasme au micro du 20H de TF1 dans la vidéo en tête de cet article Fabien Burdet, directeur technique lithium employé également par Eramet. Burdet. « Ce sont des puits à lithium. On les a développés et testés pendant maintenant 10 ans, poursuit-il. Cela permet en moins d’une semaine d’obtenir du carbonate de lithium qu’on peut utiliser pour les batteries. »

Un minerai très convoité

De petits tubes en aluminium, semblables à de minuscules grains de riz. Cette poudre blanche, il en faut 40 kilos pour fabriquer la batterie d’une petite voiture électrique. D’ici quelques mois, cette usine sera capable d’en exporter assez pour fabriquer 600.000 batteries chaque année. Mais les besoins à l’avenir sont gigantesques. Alors, il faut explorer sans cesse.  À quatre heures de route de là, cette autre plaine regorge, elle aussi, de lithium. Sous ce sol blanc, une croûte de sel. L’équipe  de reportage de TF1 arrive près d’un campement éphémère au milieu de nulle part. Ces forages changent d’endroit tous les mois. Objectif, savoir s’il y a assez de lithium là-dessous. Ici, les ouvriers travaillent 7 jours sur 7, 24 heures sur 24, quelle que soit la météo, même quand il neige. D’ailleurs, on voit de la neige. Seul le vent peut arrêter les ouvriers quand ils dépassent les 70 km heure. 

Ces Argentins gagnent 3.000 euros par mois, environ trois fois plus qu’ailleurs dans la région. Ils font les « trois-huit » pendant 11 jours d’affilée. « On a foré à 276 mètres de profondeur pour obtenir ces échantillons. On estime qu’il y a beaucoup de lithium ici, 300 milligrammes par litre », rapporte Eliana Chanampa, ingénieure au sein d’Eramet. Ce pétrole du XXIe siècle aiguise les appétits. Chinois, Australiens, Corées Américains et Français se livrent ici une bataille pour accéder aux meilleurs gisements. Alentours, les rares habitants veulent surtout que cette nouvelle industrie crée de l’emploi. Mais ils ont aussi une crainte que l’eau disparaisse progressivement à certains endroits. « Dans la province voisine de Katamarca, une entreprise américaine exploite du lithium depuis 25 ans et désormais, les terres sont asséchées là-bas », déplore Rosenda Nieba, Aregentin, membre de la communauté andine Coya. L’équipe de TF1 a posé la question à l’entreprise française. Selon ses calculs, aucun risque. Les pluies et la fonte des neiges suffisent largement à recharger les nappes. « C’est de l’eau qui est impropre à la consommation. On va la chercher en profondeur, alors que les animaux, les plantes, en fait, ils vont utiliser l’eau de surface », avance Fabien Burdet. Une eau recyclée à 60 % et indispensable à l’extraction du lithium, censée durer 40 ans, pour cette usine dans ce désert argentin.

La rédaction de TF1 Reportage Pierre GALLACCION, Fabrice AMZEL

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