L’océan est notre nouveau continent. Un grand bleu abîmé, tant la prédation humaine l’a saccagé, la pêche industrielle l’a vidé et le forage en pleine mer l’a arasé. Le réchauffement climatique perturbe la vie océanique. Les canicules aquatiques en Méditerranée dévastent gorgones et herbiers, blanchissent les coraux du Pacifique. La mer se dilate et s’acidifie, les eaux gorgées de plastique montent inexorablement le long des côtes menacées d’affaissement. Des espèces d’algues ou de poissons exogènes deviennent invasives.

Mais les politiques de protection des aires marines protégées et de régulation de la pêche restent timides, évasives et peu coercitives. D’autant que le trumpisme fait sauter tous les verrous de l’extractivisme. « Drill, baby, drill » (« fore, bébé, fore ») : la volonté de Donald Trump s’étend désormais aux abysses, à l’image d’un décret signé par le président américain, le 24 avril, destiné à ouvrir l’extraction à grande échelle de minerais dans les grands fonds océaniques, y compris en eaux internationales. Les gigantesques gisements de lithium, de cobalt et de nickel nécessaires à la fabrication des batteries électriques transforment l’océan en un gigantesque eldorado, comme un écho à Vingt Mille Lieues sous les mers (1869-1870), roman prémonitoire de Jules Verne dans lequel le capitaine Nemo rêvait du trésor constitué par des « mines de zinc, de fer, d’argent, d’or ». C’est dire si la troisième Conférence des Nations unies sur l’océan (UNOC-3), qui se tient à Nice du 9 au 13 juin, mobilise activistes et lobbyistes, pêcheurs et chercheurs.

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L’effondrement du vivant met paradoxalement la focale sur la richesse des océans. Car la mer est un terrain méconnu et foisonnant. Une véritable terra incognita. Séduits par les rivages et les plages, la plupart des contemporains ne la connaissent pas. « La Terre est plus creuse que bossue », avec des failles plus importantes que la chaîne des montagnes de l’Himalaya, explique notamment l’océanologue Catherine Jeandel, dans la revue Reliefs (n° 21, 2025). Et les abysses sont des abymes. Seuls 5 % des grands fonds marins ont été explorés. « Les surfaces de la Lune ou de Mars sont mieux cartographiées que le fond de nos océans », observent l’océanaute Jozée Sarrazin et la reporter Stéphanie Braibant, dans Atlas des abysses (Arthaud, 2024).

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