
Comme il l’avait annoncé, Emmanuel Macron a promulgué, selon le Journal officiel publié mardi 12 août, la loi dite « Duplomb » après la censure par le Conseil constitutionnel de sa disposition la plus contestée qui prévoyait la réintroduction d’un pesticide interdit de la famille des néonicotinoïdes. L’institution avait en revanche validé le 7 août les simplifications administratives accordées aux plus gros élevages, ainsi qu’à la construction d’ouvrages de stockage d’eau à finalité agricole.
Néanmoins, les mesures adoptées ne doivent pas permettre de prélèvement dans des nappes inertielles – qui se vident ou se remplissent lentement – et devront pouvoir être contestées devant un juge. Le Conseil constitutionnel avait par ailleurs validé sans réserve des dispositions très attendues par certains agriculteurs facilitant l’agrandissement ou la construction de bâtiments d’élevages de porcs ou de volailles.
Cette loi agricole, adoptée au Parlement début juillet avec le soutien des macronistes, des Republicains (LR) et de l’extrême droite, a fait l’objet d’un vaste mouvement de protestation, y compris au sein du monde scientifique. Une pétition réclamant son abrogation a réuni plus de 2,1 millions de signatures.
« Incidences sur la biodiversité »
Quelques minutes après la décision du Conseil constitutionnel, le chef de l’Etat avait fait savoir qu’il entendait promulguer rapidement la loi Duplomb, écartant toute nouvelle délibération du Parlement.
La réintroduction à titre dérogatoire de l’acétamipride, un pesticide de la famille des néonicotinoïdes, a cristallisé la contestation contre la loi Duplomb. Son retour était réclamé par certains producteurs de betteraves et de noisettes pour lutter contre les ravageurs.
Le Conseil constitutionnel a estimé que « faute d’encadrement suffisant », cette mesure était contraire au « cadre défini par sa jurisprudence, découlant de la Charte de l’environnement », selon un communiqué. Projet phare de l’ancien président de la République Jacques Chirac, la Charte de l’environnement a été inscrite en 2005 dans la Constitution française, lui conférant la même valeur que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ou encore les droits économiques et sociaux figurant dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.
Dans leur décision, les sages ont rappelé que les néonicotinoïdes « ont des incidences sur la biodiversité, en particulier pour les insectes pollinisateurs et les oiseaux » et « induisent des risques pour la santé humaine ». En 2020, ils avaient consenti à une dérogation temporaire à leur interdiction, cantonnée à la filière des betteraves et à l’enrobage des semences.
Cette fois, ils ont censuré la dérogation introduite dans la loi en relevant qu’elle n’est pas limitée dans le temps, ni à une filière particulière, et concerne aussi la pulvérisation, aux risques élevés de dispersion des substances.
Principe de précaution
Le ministre de la santé français, Yannick Neuder, a par ailleurs appelé vendredi à réévaluer au niveau européen l’impact sur la santé humaine de l’acétamipride pour « interdire ce produit » en cas de risques avérés. « Il s’agit bien de mettre la France au même niveau de principe de précaution que les autres pays européens », a-t-il souligné, faisant état d’« études en cours sur notamment le rôle perturbateur endocrinien potentiel ou neurotoxique ».
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De son côté, la ministre de l’agriculture, Annie Genevard, a estimé que cette décision maintient « une divergence entre le droit français et le droit européen » et les « conditions d’une concurrence inéquitable faisant courir un risque de disparition de certaines filières », en promettant que le gouvernement serait « à leurs côtés pour ne pas les laisser sans solution ».
La FNSEA, premier syndicat agricole, a qualifié d’« inacceptable » la décision du Conseil constitutionnel. Quant au groupe écologiste à l’Assemblée, il a fait part de son intention de déposer une proposition de loi pour tenter d’obtenir « une abrogation totale » de la loi.
Laurent Duplomb, sénateur LR qui a porté la loi agricole partiellement censurée, n’a pas exclu vendredi un nouveau texte pour réintroduire le pesticide acétamipride contesté, mais en tenant compte cette fois des critères imposés par les sages.