
La proposition de loi sur l’agriculture des sénateurs Laurent Duplomb (Les Républicains) et Franck Menonville (UDI, centre), est en passe d’adoption définitive au Parlement mardi 8 juillet, dans sa version définitive toujours très critiquée, avec un dernier vote de l’Assemblée nationale. Le texte, présenté comme l’une des réponses à la colère des agriculteurs de l’hiver 2024, et une manière de « lever les contraintes » à l’exercice de leur métier, avait été adopté à 232 voix contre 103 à la Chambre haute.
Même si l’hémicycle du Palais-Bourbon réserve plus de surprises que la Haute Assemblée, une nette majorité semble néanmoins se dégager sur ce texte commun, soutenu durant une commission mixte paritaire (CMP), le 30 juin, par les représentants de l’ensemble du bloc central et du Rassemblement national.
Réintroduction dérogatoire d’un pesticide interdit en France, relèvement des seuils d’autorisation environnementale pour les bâtiments d’élevage, facilitation des constructions relatives au stockage de l’eau… Les mesures de « simplification » demandées de longue date par une partie du monde agricole – dont la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), Jeunes Agriculteurs (JA), Coordination rurale – figurent dans ce texte.
- Retour dérogatoire de l’acétamipride
Point le plus sensible du texte, la réintroduction de l’acétamipride, dont l’usage est interdit en France depuis 2020, est cette fois permise par décret notamment « pour faire face à une menace grave compromettant la production agricole » et en cas d’alternative insuffisante, sans délai, alors que la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale souhaitait border ce retour à trois ans maximum. Le texte prévoit simplement une clause de revoyure à trois ans, pour faire examiner les conditions des dérogations par un conseil de surveillance.
La réintroduction de cet insecticide de la famille des néonicotinoïdes est réclamée notamment par les producteurs de betteraves sucrières, qui affirment n’avoir aucune solution pour protéger efficacement leurs cultures. La FNSEA, comme Coordination rurale (2e syndicat), dénonce une « concurrence déloyale » des producteurs européens et redoute des importations de sucre ou noisettes produits avec des pesticides interdits en France. Selon des sources parlementaires, la réintroduction, ainsi rédigée, pourrait concerner potentiellement 500 000 hectares de cultures.
Le retour des néonicotinoïdes, très toxiques pour les abeilles, est décrié par les défenseurs de l’environnement, les apiculteurs (qui ont vu leur production de miel s’effondrer après l’introduction de ces substances dans les années 1990) et la Confédération paysanne.
- Un compromis sur le rôle de l’Agence nationale de sécurité sanitaire
Alors que le Sénat souhaitait renforcer le contrôle politique la feuille de route de l’agence sanitaire, mandatée depuis 2015 pour examiner les demandes d’autorisation de mise sur le marché des pesticides, le texte validé en CMP a rétabli son indépendance.
Il précise toutefois que l’agence, lorsqu’elle examine la mise sur le marché et l’utilisation de produits phytopharmaceutiques, devra tenir compte des circonstances « agronomiques, phytosanitaires, et environnementales, y compris climatiques qui prévalent sur le territoire national ».
Un article précise également que les agents de l’Office français de la biodiversité (OFB), chargé de la police de l’environnement, exerceront leurs missions sous l’autorité du préfet.
- Stockage de l’eau et zones humides
Le texte initial visait à faciliter le stockage de l’eau pour l’irrigation des cultures, dans un contexte de raréfaction liée au changement climatique. Si tous les agriculteurs sont d’accord pour dire qu’il n’y a pas d’agriculture possible sans eau, ils sont divisés sur les réserves, leur taille et leurs usages. Des associations ont mis en garde contre « l’implantation de mégabassines qui accaparent les ressources en eau au profit de l’agriculture intensive ».
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L’article phare prévoit une présomption d’« intérêt général majeur » pour les ouvrages de stockage ainsi qu’une présomption de « raison impérative d’intérêt public majeur », à chaque fois dans l’intention de faciliter les procédures pour obtenir des autorisations de constructions.
Les alinéas, décriés, qui prévoyaient de créer une nouvelle catégorie de « zones humides fortement dégradées », qui auraient autorisé de nouvelles activités humaines dans ces écosystèmes, ont été supprimés.
- Agrandissement des élevages
Le texte propose de faciliter l’agrandissement ou la création de bâtiments d’élevage intensif, en relevant les seuils à partir desquels les élevages porcins et avicoles seront soumis à des procédures d’évaluation environnementale en raison de leurs émissions – le relèvement des seuils pour les élevages bovins a, lui, été renvoyé à un texte ultérieur.
L’objectif est qu’un poulailler ne devrait demander une autorisation qu’à partir de 85 000 poulets contre 40 000. Une porcherie passerait de 2 000 à 3 000 cochons. Mais cette mesure ne s’appliquerait qu’à la fin de 2026, quand les fédérations réclament une application immédiate.
Ces seuils sont alignés sur la directive européenne relative aux émissions industrielles. Les filières d’élevage et la FNSEA demandent à les aligner sur une autre directive, plus permissive. Cette mesure, qui ne concernera que 3 % des élevages, ceux relevant du régime des « installations classées pour protection de l’environnement », a été décriée par les associations et une partie du monde paysan comme emblématique d’un texte calibré pour une minorité d’agriculteurs. Le principe de « non régression » environnementale ne s’opposerait pas au relèvement de ces seuils, selon le texte.