Né à Suresnes en 1970, Guillaume Herbaut est photographe et journaliste. Il explore le territoire ukrainien depuis plus de vingt-quatre ans, mêlant travail documentaire au long cours et reportages de presse. Collaborateur régulier du Monde, sur le terrain à partir de 2013, il a été dépêché plus d’une dizaine de fois en Ukraine, depuis ce qu’il désigne comme « la grande invasion » de 2022.
Comment décririez-vous l’évolution du moral de la population ukrainienne depuis les premières semaines de guerre, que vous avez couvertes en 2022 ?
Le contraste est frappant. L’optimisme et la ferveur des premiers mois ont laissé place à une fatigue profonde, à la fois physique et mentale. A Kiev, un véritable basculement s’est opéré depuis le début du mois de juillet, marqué par une intensification des frappes aériennes. Longtemps perçues comme un bruit de fond, les alertes sont désormais prises très au sérieux. Les habitants se précipitent vers les abris, conscients que la menace est réelle, après les attaques les plus violentes sur la capitale depuis le début de la guerre.
Et pourtant, la ville continue de tourner. On quitte parfois la station de métro où l’on a dormi pour se rendre directement au bureau. Les nuits sont courtes, les nerfs à vif, mais le désir de normalité est, en fin de compte, devenu une forme de résistance.
Je me souviens particulièrement d’une alerte qui a retenti alors que j’étais à proximité d’agents municipaux qui peignaient les lignes d’une piste cyclable. Nous nous sommes tous dirigés vers un abri pour la soirée. Quand je suis repassé par le chantier le lendemain, le travail avait pourtant été terminé.
Comment raconter un conflit qui s’installe dans la durée, comme la guerre en Ukraine ?
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