Nouveaux rebondissements dans la saga des droits de douane sur les véhicules électriques chinois : mardi 20 août, la Commission européenne a publié le montant des taxes, légèrement révisé à la baisse, mais allant jusqu’à 36,3 %, qu’elle entend appliquer à l’importation de certaines catégories de ces véhicules. Cette décision a été prise au terme d’une enquête conduite par Bruxelles sur les subventions attribuées par Pékin à l’industrie automobile chinoise, pour parer à une concurrence déloyale avec les constructeurs européens.

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La réaction chinoise ne s’est pas fait attendre. Mercredi, en guise de représailles, la Chine a annoncé l’ouverture d’une enquête sur les pratiques commerciales de certains produits laitiers, notamment du fromage et certains laits et crèmes, exportés par l’Union européenne (UE). Pékin a déjà ouvert en janvier, en réaction à de précédentes annonces européennes, des enquêtes sur le cognac français et certains produits de viande de porc, et déposé une plainte auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Bien que l’agriculture européenne soit massivement subventionnée, Bruxelles affirme être en règle avec l’OMC.

Interminable, le feuilleton euro-chinois des véhicules électriques devrait se prolonger encore quelques mois. L’entrée en vigueur des droits de douane décidés par la Commission est prévue pour fin octobre et requiert l’approbation de la majorité qualifiée des Etats membres de l’UE. Mais la porte n’est pas fermée. Pour éviter une guerre commerciale, Bruxelles a fait savoir que des discussions « intenses » sont en cours avec Pékin, afin de tenter de trouver « une solution alternative ».

Valeur de test

Plusieurs difficultés se conjuguent dans cette affaire. Le ralentissement de l’économie chinoise a conduit les consommateurs chinois à moins acheter, ce qui a placé l’industrie en surcapacité de production. Ces surplus sont déversés sur le marché européen, d’autant plus que les droits de douane de 100 % imposés par les Etats-Unis aux véhicules électriques chinois leur ont définitivement fermé le marché américain.

Inquiets de voir l’Europe inondée de voitures électriques chinoises bon marché au détriment des modèles produits sur leur territoire, comme cela a été le cas pour les panneaux solaires, les Européens ont décidé de se battre et d’aller voir de plus près le système des subventions pratiqué par Pékin. Malgré les pressions et menaces chinoises, ils restent fermes : c’est une bonne chose. L’industrie automobile emploie plus de 12 millions de personnes en Europe ; il faut la préserver, alors que les trois quarts des véhicules exportés par la Chine en 2022 l’ont été vers l’UE.

Ce conflit, cependant, ne doit pas s’éterniser. Il a valeur de test pour la Chine, qui souffre de capacités de surproduction dans de multiples secteurs. Il a aussi valeur de test pour l’Europe, qui s’est engagée à mettre fin à la vente de voitures à moteur thermique en 2035. Fermer le marché à des véhicules électriques bon marché aboutirait à freiner cette transition.

Inciter la Chine à faire produire ces véhicules dans des usines européennes est une solution. Adapter l’industrie européenne à cette concurrence, en renforçant ses capacités d’innovation et en réduisant ses dépendances aux matières premières, en est une autre. L’annonce de l’ouverture prochaine d’une usine de semi-conducteurs du taïwanais TSMC à Dresde (Allemagne) va dans ce sens – au prix d’une énorme subvention allemande de 5 milliards d’euros, validée par Bruxelles. Cela n’échappera pas à l’œil de Pékin.

Le Monde

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