Une subite offensive venue de l’ouest a pris de court les Européens, plus habitués à devoir surveiller leur front oriental. A l’approche de l’arrivée du président élu Donald Trump à la Maison Blanche le 20 janvier, le Vieux Continent, son establishment politique et sa vision des réseaux sociaux sont la cible d’une volée d’attaques et de menaces émanant tantôt du président élu lui-même, tantôt de ses affidés dans le secteur de la haute technologie.

Le plus virulent est sans conteste Elon Musk, champion industriel et propriétaire du réseau social X, ex-Twitter, qu’il a acquis pour 44 milliards de dollars (44 milliards d’euros), sur lequel il attaque les gouvernements britannique et allemand. Mettant à profit la puissance de ses algorithmes, il bombarde le premier ministre travailliste Keir Starmer d’accusations fallacieuses sur la protection qu’il aurait accordée à des gangs pédophiles immigrés, et réclame sa démission.

En Allemagne, en pleine campagne électorale, il appelle à voter pour le parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD) ; jeudi 9 janvier, Elon Musk a offert une heure et quart de conversation-promotion sur X à Alice Weidel, cheffe de file de l’AfD, parti qu’elle a subitement présenté comme « libertarien et conservateur ».

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Les dirigeants européens ont ensuite affronté un autre type d’agression, à vocation territoriale, lorsque Donald Trump a réitéré ses velléités de conquérir le Groenland, territoire sous souveraineté danoise. Puis c’est le patron de Meta, Mark Zuckerberg, qui contrôle Facebook et Instagram, qui a attaqué ce qu’il qualifie de « censure institutionnalisée » par les « lois européennes » pour limiter la liberté d’expression.

Changement de pied

Désemparés, les dirigeants européens tardent à réagir collectivement. Ils s’attendaient à subir une cascade de droits de douane de la part de la future administration Trump, mais c’est à un feu roulant idéologique qu’ils sont soumis. Le communiqué finalement publié jeudi soir – sur X ! – par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et le président du Conseil européen, Antonio Costa, dit bien tout leur embarras : « Les Etats-Unis sont l’un de nos plus proches partenaires et nous nous engageons à renforcer le lien transatlantique », précisent-ils, tout en rappelant les « valeurs démocratiques fondamentales » européennes.

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Il faut distinguer la relation avec le futur président de la puissance qui assure la sécurité de ses alliés européens et la réponse à apporter aux PDG des réseaux sociaux, aussi proches soient-ils dudit président. Donald Trump n’est pas Vladimir Poutine et, comme le montre son changement de pied sur la perspective d’un règlement de la guerre en Ukraine, qu’il voit maintenant en mois plutôt qu’en heures, il n’est pas sourd au principe de réalité. Mais, dans les deux cas, la fermeté s’impose. D’abord, rappeler le principe de souveraineté territoriale est le minimum de solidarité qu’il convient de manifester au Danemark, membre de l’Union européenne (UE).

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Ensuite, renvoyer Elon Musk et Mark Zuckerberg dans leurs filets est une façon de signaler à Donald Trump que la chasse n’est pas ouverte en Europe. Oui, l’offensive d’Elon Musk est politique, comme l’a d’ailleurs noté le président Emmanuel Macron, et elle interfère dans nos processus électoraux. Oui, l’UE s’est dotée d’outils réglementaires qui permettent de concilier, sur son territoire souverain, compte tenu de son histoire et de sa culture, liberté d’expression et valeurs démocratiques. Il faut s’en servir, sans faiblir.

Le Monde

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