Face à l’action volontariste d’autres grandes puissances économiques comme la Chine ou les Etats-Unis, l’Union européenne (UE) peine à définir et à mettre en œuvre une véritable stratégie économique. Si elle a, mieux que la plupart des pays, identifié le développement durable démocratique comme l’avenir qu’elle poursuit, elle n’en tire pas toutes les conséquences. Pire, elle remet en cause au nom de prétendues « simplifications » une partie de cette orientation au risque de n’en avoir plus aucune, sauf la gestion quotidienne dont on sait qu’elle s’achève en soumission aux lobbys les mieux organisés. Les incohérences et l’opacité qui en résultent mécontentent autant ses partenaires que sa population, et nourrissent des rêves absurdes de repli nationaliste – donc d’impuissance. Pourtant, les choix à faire sont souvent clairs et la capacité de l’UE à les appliquer est grande.
En ce qui concerne le climat, même si l’UE parvenait au « zéro émissions nettes » rêvé, elle ne pourrait, à elle seule, empêcher le reste du monde de continuer à émettre davantage de gaz à effet de serre. En revanche, elle peut rendre coûteux l’accès à son marché – le premier marché du monde – pour les industriels gros émetteurs et les inciter ainsi à réduire leur impact. En matière de biodiversité, de même, le traité avec le Mercosur [Marché commun du Sud], un projet d’accord de libre-échange négocié par l’UE avec le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay, qui prévoit la suppression progressive des droits de douane sur de nombreux produits, ne devrait pas céder sur les conditions de production de nos partenaires latino-américains. Ce n’est pas qu’une question d’équité pour nos propres agriculteurs, mais surtout d’efficacité de la politique de développement durable européenne.
En matière industrielle, le même principe s’applique. Les voitures chinoises ne devraient pas être stigmatisées tant que leur fabrication respecte nos normes vertes ainsi que les droits humains fondamentaux ; les systèmes d’armes américains ne sauraient être exclus, à condition qu’ils respectent la volonté européenne d’autonomie stratégique, et donc ne soient soumis ni à des contraintes techniques ni à des engagements politiques envers leur pays d’origine. Dans tous ces cas, les industriels européens bénéficieraient du respect élargi de contraintes auxquelles ils sont déjà soumis. En revanche, la défense des filières industrielles européennes devrait passer d’abord par la formation d’une main-d’œuvre qualifiée, par le soutien à la recherche et par le développement d’infrastructures de qualité, trois points sacrifiés dans beaucoup de pays de l’Union au profit d’aides sans guère de contrepartie et ne permettant qu’une survie de court terme ou au prix d’un protectionnisme coûteux.
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