
Le mouvement Gen Z à Madagascar, instigateur des manifestations qui ont fait au moins vingt-deux morts, selon l’ONU, a appelé à un nouveau rassemblement mardi 30 septembre malgré le renvoi de tout le gouvernement annoncé la veille par le président, Andry Rajoelina.
Le chef d’Etat, lui-même arrivé pour la première fois au pouvoir en 2009 dans cette île particulièrement pauvre de l’océan Indien à la faveur d’un soulèvement populaire, a réagi à la contestation, motivée au départ par les incessantes coupures d’eau et d’électricité.
Le mot d’ordre dépasse désormais ce ras-le-bol et le vise personnellement. « Ils disent que nous sommes une génération TikTok, génération de débiles et quand on se soulève, ils ne nous laissent pas nous exprimer », protestait lundi une étudiante manifestant dans la capitale comme des milliers d’autres Malgaches.
« Monsieur Andry Rajoelina, quand c’est vous qui meniez les manifestations, on vous laissait faire, c’était OK, mais quand c’est nous les jeunes qui nous battons pour le pays, vous nous en empêchez », accuse cette jeune femme tout de noir vêtue. La consigne de s’habiller en noir a été diffusée sur les réseaux sociaux par « solidarité avec les camarades décédés ».
« Des promesses d’ivrogne »
L’exercice de contrition en direct lundi soir à la télévision nationale d’Andry Rajoelina n’a pas suffi à calmer la colère des manifestants, échaudés par la répression. Au moins vingt-deux personnes ont été tuées et plus d’une centaine blessée, d’après le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH), qui a rapporté lundi des « manifestants et des passants tués par des membres des forces de sécurité ».
D’autres ont été « tués lors des violences et des pillages généralisés qui ont suivi, perpétrés par des individus et des gangs sans lien avec les manifestants », selon le haut-commissariat. Un bilan contesté par le ministère des affaires étrangères malgache.
« Je ne dors ni la nuit ni le jour pour porter vos solutions et améliorer la situation. Vos demandes, on les a écoutées. Et je m’en excuse s’il y a des membres du gouvernement qui n’ont pas fait le travail que le peuple attendait », s’est repenti le président, durant une allocution d’un quart d’heure au cours de laquelle il a limogé son gouvernement.
Son appel à ce que des candidats à des postes ministériels « envoi[ent] leur CV » par courrier, e-mail, voire « LinkedIn », a été accueilli avec moqueries sur les réseaux sociaux. « On lui a donné maintes et maintes chances ! », estimait lundi une autre manifestante. « Il nous fait des promesses d’ivrogne. Il ne pense qu’à son intérêt et l’intérêt de sa propre famille. Alors qu’ici, c’est la famine qui nous tue ! »
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Pour mardi, le point de rendez-vous des manifestants à 11 heures (10 heures à Paris) est le quartier d’Ambohijatovo, dans le centre de la capitale, inaccessible jeudi en raison du quadrillage, dense, des forces de l’ordre.
Près de 75 % de la population sous le seuil de pauvreté
Ce qui avait commencé comme une protestation pour l’eau et l’électricité tourne à la crise de régime pour un pouvoir éclaboussé par plusieurs scandales de corruption. Un des slogans désormais est « Rajoelina, dégage » (« Miala Rajoelina »).
Ancien maire d’Antananarivo, Andry Rajoelina, 51 ans, s’était installé une première fois au pouvoir de 2009 à 2014 à la faveur d’un coup d’Etat après des manifestations. Il s’est ensuite fait élire en 2018, puis réélire en 2023 lors d’un scrutin très contesté.
Reprenant le drapeau pirate tiré du manga One Piece, vu lors des contestations en Indonésie ou au Népal et baptisé en référence à la génération née avec l’an 2000, le mouvement Gen Z a lancé une étincelle loin de se limiter à la capitale.
Lundi, la mobilisation était particulièrement suivie dans le Nord, à Antsiranana et des rassemblements signalés à Fianarantsoa (centre du pays), Toliara (Sud) et Toamasina (Est). Il s’agit des manifestations les plus importantes depuis la période précédant l’élection présidentielle de 2023, boycottée par l’opposition.
En dépit de ses richesses naturelles exceptionnelles lui valant sa réputation touristique, Madagascar reste l’un des pays les plus pauvres de la planète. Dans cette ancienne colonie française indépendante depuis 1960, près de 75 % de la population vivait sous le seuil de pauvreté en 2022, d’après la Banque mondiale, tandis que la corruption prolifère. L’ONG Transparency International classe le pays 140e sur 180 pays dans l’indice de perception de la corruption.