Marie-Charlotte Iratzoquy, le 4 mars 2024, à Chamonix.

Quand Marie-Charlotte Iratzoquy passe la porte de la Librairie des Alpes, dans le 6e arrondissement, à Paris, son émotion est toujours vive. A chaque passage dans la capitale, elle aime venir dans ce cabinet de curiosités centenaire contempler la jeunesse des sommets qu’elle gravit toute l’année. Sur les murs et les étagères, les photos et les gravures anciennes des crêtes plantent un décor qui lui est familier. « C’est important de garder des traces visibles de ce qu’étaient nos Alpes autrefois », assure d’une voix grave la jeune athlète de 23 ans en sport-études à l’école de management de Grenoble, où elle suit des cours à distance de Chamonix.

Son attachement à la montagne, elle le doit à une passion pour le ski-alpinisme intacte depuis ses 14 ans. Aussi appelée « skimo », cette discipline consiste à dévaler des pentes hors piste après les avoir grimpées avec des skis de randonnée (équipés de peau de phoque). Adolescente dans les Pyrénées, elle a d’abord rejeté cette activité rigoureuse – pourquoi diable ne pas utiliser les remontées mécaniques ? –, puis elle a été cueillie par le sens de l’effort et le respect des paysages qu’impose la discipline.

Depuis, ses entraînements acharnés ont porté leurs fruits : trois fois championne de France par équipes, elle a remporté en 2019 en juniors la Pierra Menta, sommet mondial du ski-alpinisme réunissant six cents athlètes à Arêches-Beaufort, en Savoie. Dix mille mètres de dénivelé positif sur quatre jours, dans des décors d’arêtes enneigées, quinze sommets de 2 000 à 2 687 mètres, un défi qu’elle compte à nouveau relever le 12 mars. « Quand on vit un tel dépassement de soi en montagne, malgré le froid et la fatigue physique, c’est viscéral, on devient accro », assure-t-elle.

La précieuse poudreuse de son enfance

Mais, depuis trois ans, l’évidence s’étiole. L’anxiété provoquée par les manifestations concrètes du dérèglement climatique en montagne s’est insidieusement installée dans son quotidien d’athlète. « Pour skier, je dois monter de plus en plus haut. Chaque hiver, les chutes de neige se font de plus en plus rares », confie-t-elle. La fonte des glaciers trouble ses aspirations. « Je me sens égoïste de continuer à pratiquer mon sport, alors je passe mon temps à compenser sur la manière dont je consomme. »

Pas de courses au supermarché, pas de fast fashion, elle a récemment demandé aux marques sponsors d’arrêter l’envoi excessif d’équipements et de vêtements. Une prise de conscience qu’elle partage avec ses camarades de sport-études. « On parle beaucoup des chaleurs anormales de décembre, des conditions printanières qui arrivent dès février, ça nous préoccupe tous », dit-elle.

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