Invitée du 20H de TF1, Marine Le Pen a fustigé lundi une « décision politique » et un « jour funeste pour notre démocratie », après sa condamnation à une inéligibilité immédiate pour cinq ans.
Elle a aussi réaffirmé ses ambitions pour la présidentielle de 2027 en demandant une audience en appel rapide.
Voici trois questions qui posent sur les suites judiciaires.
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Procès du RN : Marine Le Pen et le parti condamnés
Elle était arrivée au tribunal un peu en avance, l’air presque serein pour écouter le jugement. Et puis, au fil de la lecture, son visage s’est tendu, jusqu’à l’annonce de cette inéligibilité immédiate à laquelle elle ne voulait pas croire. Alors, sans attendre la fin, Marine Le Pen s’est levée et a quitté l’audience. Cinq ans d’une inéligibilité applicable immédiatement, qui sonne peut-être le glas de ses ambitions pour 2027, quatre ans de prison dont deux ferme directement aménagés sous bracelet électronique : la condamnation est tombée lundi contre la cheffe de file du RN. En voici les principales conséquences sous forme de questions.
Qu’est-ce qu’une exécution provisoire ?
La cheffe de file du RN est condamnée à une peine complémentaire d’inéligibilité de cinq ans avec exécution provisoire, c’est-à-dire qui prend effet immédiatement, même si elle fait appel. Une telle mesure pourrait bien s’avérer fatale à ses ambitions pour la présidentielle de 2027. En 2016 et 2017, le Parlement a durci la loi sur ce point en rendant cette peine complémentaire plus automatique et plus largement encourue pour des infractions variées. Cela a fait exploser le nombre d’inéligibilités prononcées : 16.364 en 2023 contre 1.518 en 2019, selon le ministère de la Justice. « Ici, ce qu’a considéré le juge, c’est qu’étant donné que le parti RN et la plupart de ses élus considéraient qu’il n’y avait pas de détournement de fonds, il pouvait y avoir un risque de récidive de cette infraction », précise Anne-Charlène Bezzina, enseignante-chercheuse dans le sujet du 20H ci-dessus.
Cinq ans d’inéligibilité : Marine Le Pen invitée du 20H de TF1Source : JT 20h Semaine
Invitée au 20H de TF1, Marine Le Pen a dénoncé lundi une « décision politique » après sa condamnation à une inéligibilité immédiate de cinq ans, appelant à ce que « la justice se hâte » pour lui permettre d’être jugée en appel à temps pour la présidentielle de 2027. « L’État de droit a été totalement violé » par « une décision politique », a estimé la cheffe de file du Rassemblement national (RN), évoquant un « jour funeste pour notre démocratie » et des pratiques « réservées aux régimes autoritaires ».
Y a-t-il des précédents ?
Selon le jugement du tribunal correctionnel de Paris, Marine Le Pen est condamnée à purger la partie ferme de sa peine d’emprisonnement avec un bracelet électronique. Mais un appel suspend la mise en œuvre d’une telle mesure, qui ne sera donc effective qu’une fois la décision devenue définitive. C’est par exemple ce qui s’était passé pour l’ex-président Nicolas Sarkozy, après sa condamnation à trois ans de prison dont un ferme dans l’affaire dite des écoutes, ou affaire Bismuth.
En ce qui concerne l’exécution provisoire, un cas similaire a eu lieu avec les époux Balkany, condamnés à 10 ans dans une affaire de blanchiment de fraude fiscale, mais avec un enrichissement personnel. Même si aucune affaire n’est comparable, la peine d’inéligibilité n’est pas inédite. Outre Nicolas Sarkozy, il faut mentionner les 10 ans loin de tout mandat pour François Fillon dans l’affaire des emplois fictifs de son épouse. Un troisième procès doit avoir lieu. Ou encore, Jérôme Cahuzac, reconnu coupable de fraude fiscale et de blanchiment, cinq ans d’inéligibilité.
Et maintenant ?
Selon son avocat Rodolphe Bosselut, Marine Le Pen va faire appel, appel sans effet sur l’entrée en vigueur de son inéligibilité. Au vu des délais habituels d’audiencement, le procès en appel pourrait se tenir dans un an, avec de nouveau trois mois avant le rendu d’une nouvelle décision, soit juste avant l’élection de 2027. À l’issue de ce deuxième procès, Marine Le Pen pourrait cette fois échapper à une inéligibilité immédiate, ce qui lui permettrait en théorie de se présenter. Mais d’une part, il faut que le procès se tienne dans ces délais contraints et d’autre part, préparer une candidature dans ce contexte apparaît compliqué. En cas de condamnation en appel, reste ensuite l’étape du pourvoi devant la Cour de cassation, avant que la décision de justice ne soit définitive.
Condamnée à cinq ans d’inéligibilité : Marine Le Pen très combativeSource : JT 20h Semaine
Marine Le Pen ne perdra pas son mandat de députée à l’Assemblée nationale. Le Conseil constitutionnel, de manière constante, refuse en effet de déchoir de leur mandat les parlementaires condamnés à une peine d’inéligibilité, tant que la décision n’est pas définitive. Elle devrait en revanche perdre son mandat de conseillère départementale du Pas-de-Calais. Et en cas de dissolution de l’Assemblée, en tout cas d’ici à la décision en appel, elle ne pourrait pas se représenter à la députation.