
Plus de six mois après le passage dévastateur de Chido, mardi 1er juillet, les députés ont largement adopté le projet de loi du gouvernement pour « refonder » Mayotte, département le plus pauvre de France, confronté avant même le cyclone à d’immenses défis.
« Avec cette loi, Mayotte pourra mieux affronter les fléaux qui empêchent son développement, comme l’habitat illégal, l’insécurité ou l’immigration irrégulière », s’est félicité le ministre des outre-mer, Manuel Valls, après le vote. Cette loi « concrétise surtout des promesses, parfois anciennes et jusqu’ici non tenues », a-t-il aussi déclaré, citant notamment la convergence sociale inscrite dans le marbre.
Durant les débats, parfois houleux, de nombreux députés ont rappelé à l’ancien premier ministre socialiste la promesse de son gouvernement, il y a dix ans, d’un alignement des droits sociaux avec l’Hexagone pour 2025. « Ce texte est solide (…). Il prévoit 4 milliards d’euros d’investissement sur six ans. C’est inédit et c’est puissant », a également souligné le ministre après le vote.
L’Assemblée nationale a voté le texte à 367 voix pour et 109 voix contre. Déjà adopté en mai par le Sénat, il doit désormais faire l’objet d’un compromis entre sénateurs et députés la semaine prochaine en commission mixte paritaire (CMP), avec une probable adoption définitive dans la foulée.
Possibilité de déroger à l’obligation d’offre de relogement ou d’hébergement d’urgence
En dépit d’avancées sociales, comme l’alignement du montant du SMIC avec celui de l’Hexagone en 2027, la gauche a préféré voter contre ou s’abstenir en raison du volet migratoire, en partie durci par le Rassemblement national (RN) lors d’un examen marqué par un fort absentéisme.
Dans la foulée du vote, Marine Le Pen a réagi sur X : « Largement amendé par les députés du Rassemblement national », le projet de loi est « une victoire pour les Mahorais qui attendaient des mesures fortes pour lutter contre l’immigration, rétablir la sécurité sur l’île et assurer l’égalité sociale ».
Il prévoit une série de mesures de lutte contre l’immigration, et permet par exemple le placement en rétention de mineurs accompagnant un majeur faisant l’objet d’une mesure d’éloignement. Au sujet de l’habitat informel, une mesure permet la destruction des bidonvilles, avec la possibilité de déroger à l’obligation d’une offre de relogement ou d’hébergement d’urgence.
« Pendant qu’on parle d’expulsion et de centres de rétention, l’eau ne coule toujours pas »
« Pendant qu’on parle d’expulsion et de centres de rétention, l’eau ne coule toujours pas à Mayotte, les écoles ferment, les robinets sont à sec », a fustigé le député Davy Rimane (groupe communiste et ultramarin), dénonçant un « texte qui sert de laboratoire politique » aux idées d’extrême droite pour « en faire un modèle exportable » à d’autres territoires en France.
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Vendredi, au dernier jour de l’examen, le groupe de Marine Le Pen s’est parfois retrouvé majoritaire dans l’hémicycle, à tel point que Manuel Valls avait lui-même condamné l’absence du « socle commun », permettant à des mesures « scandaleuses » d’être adoptées.
Comme cette ligne ajoutée à la feuille de route du gouvernement pour Mayotte (un rapport annexé au projet de loi, sans valeur contraignante toutefois) qui prévoit désormais un moratoire sur la scolarisation d’enfant de parent étranger en situation irrégulière.
« Un changement de cap capital »
Après le vote, le ministre a formulé le vœu que la CMP permette de revenir sur ces « ajouts regrettables et inconstitutionnels ». A l’inverse, M. Valls espère que les députés et sénateurs réintroduiront une mesure, supprimée à l’Assemblée, qui facilite les expropriations afin de permettre la construction de certaines infrastructures essentielles. La mesure est particulièrement irritante pour les Mahorais et sa suppression a été saluée par la députée de Mayotte Estelle Youssouffa (groupe LIOT) lors de son discours à la tribune.
L’élue, mobilisée tout au long de l’examen, avec parfois des échanges très durs avec le ministre ou d’autres députés, a applaudi « un changement de cap capital » avec ce texte. Elle a souligné l’abrogation du visa territorialisé en 2030, qui empêche un détenteur d’un titre de séjour mahorais de venir dans l’Hexagone. « La solidarité nationale jouera enfin pleinement en 2030 et l’Hexagone, La Réunion assumeront aussi les conséquences du fardeau migratoire », selon elle.
Le RN y était opposé, y voyant une « fausse bonne idée », avec une mesure qui « fera appel d’air ». Mme Youssouffa a aussi applaudi les 4 milliards d’euros d’investissements mis sur la table par l’Etat, avant de lancer, lasse des fausses promesses des gouvernements successifs, un avertissement à M. Valls : « Si vous êtes encore là cet automne, vous me trouverez sur votre chemin lors du projet de loi de finances pour vérifier que pas un euro ne manque pour Mayotte. »