Le ministre des outre-mer, Manuel Valls, à l’Assemblée nationale, à Paris, le 10 juin 2025.

L’examen du projet de loi du gouvernement pour « refonder » Mayotte, déjà adopté au Sénat, s’est achevé à l’Assemblée nationale, dans la nuit de vendredi 27 au samedi 28 juin vers 1 heure, et a notamment permis de répondre à une mesure réclamée depuis des années par les Mahorais : la convergence sociale de l’archipel.

Les députés ont ainsi adopté à l’unanimité un article prévoyant, d’ici à 2031, une harmonisation du niveau de prestations sociales entre Mayotte et la métropole. Dans le département le plus pauvre de France, les montants des droits sociaux ne sont pas les mêmes que dans le reste du pays. Par exemple, le RSA, concerné par cette mesure d’harmonisation, y est encore deux fois plus bas que dans l’Hexagone.

« Ce projet de loi d’une ambition inédite marque l’entrée dans la phase décisive de refondation de Mayotte. Grâce à ce texte, nous avançons résolument vers l’égalité réelle pour les Mahorais », a déclaré le ministre des outre-mer, Manuel Valls, dans un communiqué.

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L’Assemblée a inscrit dans la loi un premier objectif d’atteindre « 87,5 % » du smic dès le 1er janvier 2026. Avec la volonté, selon Manuel Valls, de « prioriser le travail ».

Un vote solennel sur l’ensemble du texte doit se tenir, mardi, à l’Assemblée. Députés et sénateurs chercheront ensuite à s’entendre sur une version commune, avant une possible adoption définitive dès juillet.

L’AME exclue de la convergence sociale

Plusieurs députés ont rappelé que les promesses de convergence ne sont pas nouvelles mais n’ont jamais été tenues. Le ministre a tenté de les rassurer, affirmant que c’est la première fois que cette convergence est gravée dans la loi. D’autres ont dénoncé l’horizon de cinq ans, à l’image du député de la Guyane, Davy Rimane (La France insoumise), qui « n’arrive pas à comprendre qu’on puisse dire à nos compatriotes de Mayotte d’attendre encore ».

« Cinq ans permettent de mettre en œuvre cette convergence sociale dans les meilleures conditions possibles », a répondu M. Valls, afin, notamment, de ne « pas fragiliser les entreprises ».

Les députés ont décidé d’exclure l’aide médicale d’Etat (AME) de ce champ, en adoptant un amendement du Rassemblement national (RN), avec le soutien du gouvernement. Mayotte est le seul département français où l’AME, dispositif permettant aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d’un accès à certains soins sans avance de frais, ne s’applique pas.

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Le groupe d’extrême droite a remporté d’autres victoires, comme la limitation aux seuls Français de la prise en charge par l’Etat d’un billet aller-retour annuel pour les lycéens poursuivant leurs études en dehors de l’archipel. « C’est l’absence » du « socle commun » dans l’Hémicycle qui a permis à des mesures « scandaleuses » et « totalement inconstitutionnelles » d’être adoptées, a accusé Manuel Valls, après le vote de cette mesure.

Forte mobilisation du groupe du RN

Dans la soirée, les députés ont adopté un rapport annexé au projet de loi qui recense les priorités de l’Etat pour Mayotte et les investissements publics prévus entre 2025 et 2031, fléchés vers l’eau, l’éducation, la santé, les infrastructures ou la sécurité. Près de 4 milliards d’euros sont prévus d’ici six ans.

Là encore, le volet programmatique, bien que non contraignant (car n’ayant pas de valeur normative), a été largement réécrit par le RN. Une quarantaine de ses amendements ont été adoptés grâce à une mobilisation importante des députés du groupe de Marine Le Pen et face aux bancs quasi vides de la plupart des autres groupes.

« Tous ces députés auront été très très absents durant ces plusieurs jours de débat, ce qui démontre leur état d’esprit vis-à-vis de nos territoires ultramarins », a accusé le député (RN) du Gard Yoann Gillet, se félicitant d’avoir réussi à remanier un texte initialement « trop timide ».

Plus tôt dans la journée, les députés ont supprimé une mesure particulièrement irritante pour les Mahorais, qui facilite les expropriations afin de permettre la construction de certaines infrastructures.

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Recensement de la population très attendu

L’Assemblée a inscrit dans la loi le recensement exhaustif de la population à Mayotte dès 2025, une disposition très attendue sur l’île. Depuis des années, les élus locaux affirment que la population est sous-estimée avec pour conséquence des collectivités moins bien dotées qu’elles ne devraient l’être et des services publics saturés.

L’Assemblée a également donné son feu vert à plusieurs modifications institutionnelles, avec la transformation du conseil départemental de Mayotte en une véritable Assemblée.

Plus tôt dans la semaine, les députés s’étaient attaqués aux mesures les plus controversées visant à « redéfinir » l’archipel près de six mois après le passage du cyclone Chido : celles pour lutter contre l’immigration, notamment venant des Comores voisines, et l’habitat informel, deux « fléaux » érigés en priorité par le gouvernement.

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Une mesure pour faciliter la destruction des bidonvilles a été adoptée. Ses opposants ont alerté sur le risque d’aggravation du nombre d’enfants à la rue. Une autre permet de placer dans une zone de rétention des mineurs accompagnant un majeur faisant l’objet d’une mesure d’éloignement.

Plus consensuelle, l’Assemblée a aussi validé la suppression, à l’horizon 2030, des visas territorialisés à Mayotte, qui empêchent les détenteurs d’un titre de séjour mahorais de venir dans l’Hexagone.

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Le Monde avec AFP

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