• Le procès d’un des plus vieux cold cases de France, le meurtre de la lycéenne Nadège Desnoix en 1994, se tient cette semaine dans l’Aisne.
  • Jusqu’en 2021, rien n’avait permis d’établir un lien avec Pascal Lafolie, 58 ans, qui a démenti à l’ouverture des débats ce lundi en être l’auteur.
  • Une équipe du magazine de TF1 « Sept à Huit » retrace cette affaire.

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Sept à huit

Après 30 ans de mystère, un homme est jugé depuis ce lundi 22 septembre devant la cour d’assises de l’Aisne pour le meurtre de Nadège Desnoix, tuée le 24 mai 1994 à Château-Thierry, alors qu’elle rentrait du lycée. Pour la première fois, sa sœur Kelly s’exprime publiquement dans la vidéo visible en tête de cet article, replay d’un reportage diffusé ce dimanche dans le magazine  « Sept à Huit ». Devant les caméras, elle montre où le corps de Nadège a été retrouvé. « À cette époque-là, ce n’était pas aussi visible de la voie express. Il y avait plein de ronces, d’arbres. C’est un monsieur qui faisait son jogging avec son chien et c’est son chien qui a été attiré, je pense par l’odeur », raconte-t-elle face à la caméra de TF1. 

Le crime a tout d’une attaque à caractère sexuel. L’auteur n’a rien volé. Autour de Nadège sont retrouvés son cartable, sa ceinture, une cordelette en nylon ainsi qu’une rose fraîchement cueillie. « J’ai vécu avec un peu son fantôme. Mes parents, malgré leur peine, la faisaient vivre avec nous », poursuit sa sœur, des sanglots dans la voix. 

Le préfet et un commandant de police sont venus annoncer à mes parents que Nadège avait été retrouvée morte, poignardée. S’en est ensuivi un hurlement de ma maman. Ce cri, il résonne encore dans ma tête.

William, le frère de Nadège

Tous l’appelaient Nanou. C’était une jeune fille ambitieuse, drôle et bienveillante qui avait de nombreux amis et un amoureux avec lequel elle rêvait de faire sa vie. Scolarisée en terminale, elle préparait le bac qui approchait à grands pas. À l’inverse de Kelly, son frère William a quitté la région à sa majorité, trop hanté par le souvenir de Nadège et par le soir de sa disparition, dont il se rappelle les moindres détails. « Passé 21 heures, il n’était pas normal qu’elle ne soit pas rentrée. Je rappelle qu’à l’époque, il n’y avait pas de téléphone portable, il n’y avait pas tout ça. Et là, c’est des heures d’angoisse, croyez-moi. Jusqu’au moment où j’ai le souvenir d’avoir entendu frapper à la porte. C’était le préfet et un commandant de police qui venaient annoncer à mes parents que Nadège avait été retrouvée morte, poignardée. S’en est ensuivi un hurlement de ma maman. Ce cri, il résonne encore dans ma tête », affirme William. 

Selon le médecin légiste, Nadège n’a pas été violée. Elle porte des traces de strangulation et a reçu sept coups de couteau à la gorge et au thorax. Les enquêteurs interrogent les lycéens, les riverains, ses proches. Personne n’a rien vu, rien entendu et on ne lui connaît aucun ennemi. « On va donc s’intéresser aux proches, le petit copain. Heureusement, il avait un alibi. Un éventuel prétendant, voire la famille elle-même, puisque le père se retrouve visé par l’enquête comme un suspect. Et donc, cette enquête va tourner en rond sur énormément de fausses pistes, qui sont des pistes qu’il fallait fouiller, mais qui se révèlent sans issue, sans intérêt. Et ça va durer comme ça pendant des années », indique Gérard Chemla, avocat de William et Kelly Desnoix.

« Et là, il va matcher avec cette procédure criminelle »

La famille est prête à tout pour faire avancer l’enquête. Jusqu’à lancer des appels à l’aide, en direct, dans l’émission phare de l’époque, « Témoin numéro un ». Les enquêteurs étudient aussi la piste du tueur en série Michel Fourniret. Il est entendu avec son épouse, Monique Olivier, mais au moment du meurtre de Nadège, le couple se trouvait à Namur, en Belgique. En 2011, avec les progrès de la science, de nouvelles expertises ADN des vêtements de la jeune fille sont ordonnées. Elles mettent en évidence huit profils génétiques, mais aucun n’est connu de la justice. L’enquête s’enlise une nouvelle fois et la famille Desnoix désespère. « Ça a été horrible. Toutes ces années à remuer le couteau dans la plaie à chaque fois qu’ils avaient une suspicion sur quelque chose. Et au final, vous êtes pris de déception parce que vous apprenez que non, ça ne colle pas. Pour ma part, j’ai sombré dans des addictions pas très propres. Ça a été très difficile », avoue William. 

Il faudra encore dix ans à sa famille pour reprendre espoir, et c’est une tout autre affaire qui va faire basculer l’enquête. Un après-midi d’août 2021, une femme, que l’on appellera Lucie, pousse la porte du commissariat de Bar-le-Duc dans la Meuse. Elle vient de recevoir une gifle de son compagnon, un certain Pascal Lafolie, avec qui elle vit depuis cinq ans. Mais la jeune femme décide de ne pas porter plainte. « C’était la première fois,  ce n’était qu’une gifle. Mais il m’aurait fait plus, oui, j’aurais porté plainte », témoigne-t-elle. Malgré l’absence de plainte, le procureur de la République, Sofian Saboulard, qui a fait des violences conjugales une priorité, se saisit de l’affaire et demande à la police de prendre l’ADN de Pascal Lafolie et de l’enregistrer dans le fichier national des empreintes génétiques. « Et là, il va matcher avec cette procédure criminelle de cold case, qui date de 1994 », indique-t-il. 

L’ADN de Pascal Lafolie se trouve sur le chouchou de Nadège Desnoix. À l’époque du meurtre, il avait 27 ans et habitait à Jouarre, soit à 30 minutes de Château-Thierry. Le 30 novembre 2021, les policiers se présentent à son domicile. Dans son ordinateur, ils découvrent des vidéos volées de ses belles-filles mineures en train de se doucher et des images à caractère pédopornographique. Placé en garde à vue, Pascal Lafolie reconnaît s’en être pris à Nadège sous le coup d’une pulsion. « Je ne pensais pas que ça finirait en meurtre pour une fellation. J’ai des regrets. C’est un peu vague parce que ça fait des années et j’ai du mal à me rappeler. Mais je vois l’endroit où ça s’est passé, je le vois très bien », détaille-t-il alors face aux enquêteurs. Il est mis en examen pour meurtre et placé en détention. Malgré sa rétractation cinq mois plus tard et la mise en accusation de son propre frère, Pascal Lafolie, père de trois enfants de deux compagnes différentes, est désigné comme l’unique responsable de la mort de Nadège. 

Son procès ouvert ce lundi matin va durer trois jours. Bien qu’il continue d’accuser son frère, la famille de Nadège espère maintenant obtenir des explications. « Ce qu’on attend aujourd’hui, c’est une réponse de la justice. Il faut le faire lourdement condamner (…) Il est dangereux, il faut qu’il reste enfermé. Personnellement, ça me permettra de faire mon deuil, de mettre un point à ce chapitre qui dure depuis trop longtemps, pour que je puisse en ouvrir un autre avec ma famille et mes enfants », conclut William. 

Déjà condamné deux fois pour des agressions sexuelles – à quatre ans de prison ferme pour l’agression sexuelle en 1996 d’une adolescente de 14 ans, puis à douze ans de prison ferme pour le viol en 2000 d’une femme de 21 ans -, Pascal Lafolie, qui dans cette affaire reste présumé innocent, encourt 30 ans de réclusion criminelle. Ce lundi, il a démenti avoir tué Nadège Desnoix. « Je reconnais avoir été sur les lieux mais je ne reconnais pas la commission de ce meurtre« , a déclaré l’homme de 58 ans, resté impassible, le regard perdu dans le vague, lorsque la cour a évoqué les faits.

La rédaction de TF1info | Reportage « Sept à Huit » : Géraldine DOUSSIER, Vincent BARRAL et Nathalie VERDIER

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