La moiteur de ces premiers jours d’été précipite le réveil de Nahel. L’adolescent ouvre les yeux à l’aube et ne parvient pas à se rendormir, incommodé par cette chaleur stagnante. De sa chambre, il entend l’eau de la douche couler dans la salle de bains. De l’autre côté du mur, sa mère s’active pour être à l’heure au travail. Mounia Merzouk, 45 ans, doit quitter le quartier du Parc Sud de Nanterre, où elle habite avec son fils, à 6 h 30. Coursière dans le secteur médical, elle livre notamment des chimiothérapies à domicile. Ce mardi 27 juin 2023, elle doit déposer des prélèvements aux Mureaux, dans les Yvelines.

Sur Snapchat, Nahel fait le tour des dernières publications postées. Il constate qu’il y a déjà du monde dehors aux « Berthelot », une autre cité de la ville. Sa journée commence bien : il fait beau et sa mère l’autorise à sortir. Nahel fouille dans ses affaires et enfile son survêtement Under Armour, une de ses marques préférées. Il chausse ensuite sa paire de Nike Air Max Plus, un nouveau modèle de TN couleur noir et rose. Mounia Merzouk gâte souvent son fils unique de 17 ans avec les vêtements qui lui plaisent. Il aime se faire beau.

Sur le pas de la porte, sa mère lui donne un billet de 20 euros pour qu’il s’achète un petit déjeuner. Nahel le glisse dans sa sacoche Lacoste. Mounia Merzouk joue sa partition et rappelle à son fils de faire attention. « T’inquiète », rétorque-t-il. Sur la route, elle lui téléphone pour s’assurer de son point de chute. Il la rassure : « On est posés, maman. »

Trois heures plus tard, la trajectoire ordinaire de cette matinée d’été se fracasse. A 9 h 15, Nahel est déclaré mort sur la place Nelson-Mandela, à Nanterre. Le jeune homme vient d’être visé par un tir policier lors d’un contrôle routier. Une heure et demie plus tôt, il prenait le volant d’une Mercedes jaune AMG Classe A et s’enfuyait à la vue des forces de l’ordre. Il n’avait pas le permis de conduire. Dans la voiture, avec lui, deux copains du coin : Foued, 17 ans, et Adam, 14 ans (les prénoms ont été modifiés). Filmée par une passante et diffusée sur les réseaux sociaux, la mort de Nahel devient aussitôt un événement national.

Une journée banale

Dès le 27 juin, les députés organisent une minute de silence à l’Assemblée. Le 28, le président de la République, Emmanuel Macron, juge « inexplicable » et « inexcusable » la mort de cet adolescent. A la tombée de la nuit, des émeutes éclatent dans toute la France. Le montant des dégâts est estimé à 1 milliard d’euros, selon un rapport parlementaire rendu public en avril. Ce prénom, Nahel, devient un symbole des violences policières et, plus largement, un objet politique. En quelques heures, les médias sont saturés, les réseaux sociaux débordent de fausses informations : le récit des événements se retrouve noyé sous le flot des récupérations.

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