Un commissaire de police va comparaître à partir de lundi à la barre d’un tribunal de Rennes.
Il est poursuivi pour homicide involontaire après la mort de Steve Maia Caniço à Nantes, dans la nuit du 21 au 22 juin 2019.
Le jeune homme avait été retrouvé noyé dans la Loire.
La justice devra déterminer si l’intervention des forces de l’ordre s’est déroulée dans des conditions acceptables.

Près de cinq ans après la noyade mortelle de Steve Maia Caniço, au cours de la Fête de la musique à Nantes, un commissaire de police se trouvera lundi à la barre d’un tribunal à Rennes. Un fait rare, dans le cadre d’une affaire qui le voit accusé d’homicide involontaire.

Ayant toujours été bien noté par sa hiérarchie, Grégoire Chassaing – âgé de 54 ans – se révèle finalement être le seul fonctionnaire présent à cette soirée devant répondre de ses actes pénalement.  Il devra répondre de sa gestion de l’intervention policière controversée, qui aurait entraîné la mort de l’animateur périscolaire de 24 ans. 

33 grenades lacrymogènes tirées ce soir-là

Au terme de l’instruction, le préfet Claude d’Harcourt a bénéficié d’un non-lieu. C’est également le cas de son directeur de cabinet, de la maire socialiste de Nantes Johanna Rolland ou d’un autre commissaire, Thierry Palermo. Ces derniers avaient été un temps mis en examen ou placés sous le statut de témoin assisté. Le commissaire divisionnaire Grégoire Chassaing, pour sa part, pilotait le dispositif de sécurité sur le terrain sur l’île de Nantes la nuit du 21 au 22 juin 2019.

Lors de cette soirée-là, à l’écart du centre-ville, plusieurs centaines de jeunes dansaient au son d’une dizaine de sound systems, installés dans une zone portuaire en bord de Loire. À l’instar des éditions précédentes, il était prévu que la musique soit coupée à quatre heures du matin. Quand des policiers, parmi lesquels Grégoire Chassaing, sont venus demander au DJ d’un des sound systems d’arrêter la musique, celui-ci a refusé. C’est alors que le commissaire a demandé à ses effectifs d’aller s’équiper de leurs casques. 

La suite des événements s’est traduite par une forme d’engrenage : des teufeurs mécontents ont jeté des pierres et des bouteilles sur des policiers, qui à leur tour ont envoyé des grenades lacrymogènes. 33 au total, ainsi que 12 balles de défense (LBD) et 10 grenades de désencerclement.

Lorsqu’il revient sur le déroulé des événements, l’avocat des parties civiles Me William Pineau estime que le prévenu « a eu le sentiment d’être toisé (par le DJ) et donc mis en cause dans son autorité. Il aurait pu faire le choix de ne pas partir à l’assaut, c’est un problème d’ego », glisse-t-il.

Un téléphone qui change tout

Plusieurs personnes sont tombées à l’eau ce soir-là, certaines étant récupérées par un bateau de la Sécurité nautique Atlantique (SNA), qui avait été prévu pour toute la soirée. Le lendemain des faits, cependant, la mère de Steve Maia Caniço se présente au commissariat de Nantes pour signaler qu’elle est sans nouvelle de son fils. Après plusieurs semaines de mobilisation de ses proches, le corps avait été retrouvé le 29 juillet 2019. Dans une poche se trouvait son portable, un élément déterminant dans l’enquête. 

Grâce à des expertises en téléphonie, il a été établi que Steve est tombé dans la Loire très précisément à 4h 33m et 14s, soit après les premiers usages de grenades lacrymogènes, à 4h31. Sur la base de ces éléments, la mort de Steve (qui ne savait pas nager) est due à l’action du fonctionnaire, estiment les avocats des parties civiles. Des arguments contestés par Me Louis Cailliez, avocat du policier. Il avance en effet que Steve Maia Caniço « n’a pas été affecté par du gaz lacrymogène avant sa chute ». Ce dernier serait ainsi « tombé indépendamment de tout facteur contributif de nature policière, comme d’ailleurs cinq personnes avant lui ». L’avocat déplore aujourd’hui que son client fasse figure « de fusible idéal » et fustige un « rouleau compresseur judiciaire« .

Le procès doit durer cinq jours, avec une trentaine de témoins et d’experts et pas moins de 111 journalistes accrédités. Le jugement sera mis en délibéré à l’issue du procès. Le prévenu encourt une peine de trois ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende.  


TD avec AFP

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