L’Assemblée nationale a approuvé à une large majorité en première lecture, jeudi soir, une proposition de loi visant à lutter contre la mortalité infantile.
Elle prévoit notamment d’instaurer un moratoire de 3 ans sur les fermetures de maternité.
Toute fermeture pourrait ainsi être suspendue durant cette période.
Victoire surprise pour le groupe centriste Liot à l’Assemblée nationale, jeudi 15 mai au soir. Les députés ont approuvé à une large majorité, en première lecture, une proposition de loi visant à lutter contre la mortalité infantile, dont le taux est passé de 3,5 décès pour 1.000 enfants nés vivants en 2011, à 4,1 en 2024, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Soit 1 enfant sur 250 qui continue de mourir avant son premier anniversaire, une tendance à rebours de celles observées dans la plupart des autres pays européens, à l’image de la Suède ou encore de l’Italie, qui ont vu décroître leur taux de mortalité infantile ces dernières années.
Évoquant une « tendance alarmante », le député Liot Paul-André Colombani, rapporteur de la proposition de loi, a rappelé jeudi en ouverture des débats que « l’an dernier, en France, 2.700 enfants de moins d’un an sont morts« . Le texte doit désormais être discuté par les sénateurs.
Vers un « moratoire » et un « registre national des naissances » ?
La proposition de loi, approuvée par 97 voix contre 4 (issues du groupe Ensemble pour la République), prévoit notamment en son article 2 d’instaurer « un moratoire de trois ans sur les fermetures de maternité », ce « sauf en cas de danger pour la sécurité des patients ». Objectif : « permettre une évaluation fine et territorialisée des établissements menacés ». Son adoption n’était pas acquise : en commission des Affaires sociales, la mesure avait été supprimée, remplacée par l’obligation d’« une évaluation préalable des alternatives possibles » avant la fermeture d’une maternité. Mais les députés ont finalement approuvé jeudi une série d’amendements identiques permettant de rétablir l’article-clé de la proposition de loi, le gouvernement exprimant un avis de sagesse. Le cas échéant, un « état des lieux » sera réalisé durant ce moratoire sur les maternités pratiquant moins de mille accouchements par an.
L’article 1er vise quant à lui à créer un « registre national des naissances », pour rassembler des éléments statistiques jusqu’ici éparpillés, et mieux comprendre les raisons des tendances actuelles tandis que l’article 3 envisage la création de formations obligatoires « dans chaque maternité (…) aux gestes d’urgence obstétrique ».
Un problème multifactoriel
Ces dernières années, plusieurs facteurs à risque ont été mis en avant par les spécialistes pour tenter d’expliquer la dégringolade de la France, qui se classe désormais au 23ᵉ rang sur les 27 États de l’UE. Les différentes études évoquent pêle-mêle la hausse de l’âge des mères au moment de l’accouchement, l’accroissement des grossesses multiples, la grande prématurité, les situations de précarité ou encore une dégradation du circuit de soins. La faiblesse de la prévention et de l’accompagnement avant et après l’accouchement est aussi mise en avant. À cela s’ajoutent les progrès de la médecine. « En permettant à des enfants qui seraient autrefois mort-nés et donc non comptabilisés dans les naissances vivantes, de survivre pendant quelques heures ou jours après la naissance », ces progrès « ont pu avoir un léger impact sur la hausse de la mortalité infantile depuis 2011 », relevait l’Insee dans sa dernière étude.
Les défenseurs du moratoire mettent en rapport cette hausse de la mortalité infantile avec la fermeture des maternités, conduisant à un allongement des temps de trajet pour les mères. Leur nombre serait passé de 1.369 en 1975 à 464 aujourd’hui, selon la députée UDR Sophie Ricourt Vaginay. Dans le Lot, il faut parfois faire « une heure, une heure et demie de voiture pour aller à la maternité », a témoigné le député PS Christophe Proença, affirmant que son petit-fils était né « dans sa maison il y a quelques mois », sa mère n’ayant « pas eu le temps de se déplacer ». « Le risque de décès néonatal est multiplié par deux lorsque le trajet jusqu’à la maternité dépasse quarante-cinq minutes », a affirmé la députée Josiane Corneloup, citant un ouvrage des journalistes Anthony Cortes et Sébastien Leurquin.
Mais « une maternité qui réalise peu d’accouchements peut offrir une moindre sécurité, faute d’une pratique régulière des gestes obstétriques », souligne le député Renaissance Jean-François Rousset.
La hausse de la mortalité infantile est un phénomène complexe et multifactoriel, a insisté le ministre de la Santé Yannick Neuder, évoquant à son tour notamment des « facteurs démographiques comme le recul de l’âge du premier enfant et l’accroissement des grossesses multiples, tout comme l’âge extrême des mères ».