« Eropolitique. Ecoféminismes, désirs et révolution », de Myriam Bahaffou, La Passager clandestin, 288 p., 22 €, numérique 16 €.

Des utopies socialistes à la fameuse « révolution sexuelle » des années 1960, les projets de société antiautoritaires ont souvent considéré le désir comme un levier essentiel de l’émancipation. Pourtant, affirme Myriam Bahaffou dans son nouvel essai, Eropolitique, il reste difficile de l’envisager comme une porte vers l’ensemble des dimensions du plaisir, tant nous nous obstinons à le penser à travers sa seule réalité sexuelle. Or, selon la chercheuse et enseignante en philosophie, « il n’y a rien d’émancipateur dans la promotion acharnée du désir sexuel ».

Pour le montrer, elle commence par formuler une critique de la « captation quasi exclusive du désir par le néolibéralisme actuel », qui ferait de l’érotisme une force motrice du « capitalisme patriarcal et colonial » en l’organisant entièrement autour de la consommation, sous la forme d’un « désirconquête ». De ce constat, l’autrice fait naître la possibilité d’une autre forme de désir, qu’elle nomme « éropolitique » et qu’elle pense « collective, décoloniale, antispéciste et queer ».

Loin de l’injonction à l’épanouissement individuel des fantasmes, cette forme d’érotisme se traduit dans une vertigineuse ouverture sur le monde, une culture du renouvellement plutôt que de la destruction. Cet essai aussi rigoureux que jubilatoire, qui mêle habilement analyse philosophique, perspectives militantes et récits d’expérience, décrit les différentes traductions de cette éropolitique, de la joie d’être en vie à la mise en place de cultures micropolitiques, en passant par la reconnaissance de ce qui nous déborde et nous excède – nos « perversions ».

Pratiques dissidentes

Car, qu’elle étudie les pratiques du jeûne ou de la danse, qu’elle réhabilite les corps minorisés ou l’hyperféminité féministe, Myriam Bahaffou plaide pour un désir à la fois frondeur et déviant. Quant à sa dimension sexuelle, qui demeure bien sûr importante, la philosophe l’explore en s’intéressant à des pratiques dissidentes, tels l’écosexualité – qui consiste à envisager la nature comme une amoureuse ou une amante – et le BDSM (bondage, domination, sadomasochisme). Quelle que soit la manière dont elle est mise en place, l’éropolitique incarne toujours, selon elle, « la poursuite éthique de ce qui nous maintient et augmente notre puissance d’être en vie ».

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