Mark Schneider, PDG de Nestlé, lors de l’assemblée générale annuelle de Nestlé à Ecublens, près de Lausanne (Suisse), 18 avril.

La grand-messe annuelle d’un des mastodontes du capitalisme mondial a toujours quelque chose d’un peu liturgique, fastidieuse énumération des propositions du conseil d’administration, avalisées par des scores soviétiques, quand survient l’inattendu, trois heures après le début de la cérémonie. Voilà Becky, 20 ans, activiste de l’ONG londonienne Bite Back, en guerre contre la junk food. Menue devant le pupitre de grands dirigeants qui surplombe la foule des petits porteurs et des investisseurs institutionnels, au centre de conférences de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (Suisse), elle hésite, puis déroule : « Les groupes comme le vôtre inondent nos rues de malbouffe. Un enfant sur trois dans les quartiers défavorisés des villes britanniques développera des problèmes de santé à cause de produits nocifs auxquels il n’a aucune chance d’échapper. Quand allez-vous prendre vos responsabilités ? »

Des actionnaires activistes sont venus faire entendre, jeudi 18 avril, leurs inquiétudes et leurs doléances au groupe Nestlé. L’entreprise aux plus de 100 marques (dont KitKat, Smarties, Perrier, Nescafé, Nesquik, Maggi, La Laitière) se débat dans un contexte peu favorable ces derniers mois. Cours de l’action en souffrance, chiffre d’affaires en baisse (– 1,5%, à 93 milliards de francs suisses en 2023, soit 96,3 milliards d’euros) et réputation menacée, la 35entreprise mondiale par la capitalisation boursière (près de 268 milliards de dollars, soit 252 milliards d’euros) traverse une mauvaise passe. En mars, Nestlé a reconnu avoir utilisé en France et en Suisse des traitements de désinfection pour « garantir la sécurité alimentaire » de ses eaux en bouteille alors que ces procédés sont prohibés pour les eaux minérales.

Et en début de semaine, l’ONG suisse Public Eye, qui examine la probité des nombreuses multinationales établies dans la Confédération helvétique, a mis en cause les produits pour bébé de Nestlé, qui contiennent du sucre ajouté dans des pays du Sud comme les Philippines, le Nigeria ou le Sénégal, alors que ce n’est pas le cas dans les pays occidentaux. Sur 78 références de la marque de céréales pour bébé Cerelac en Afrique, en Amérique latine et en Asie, 75 contiennent du sucre ajouté, 4 grammes en moyenne (un carré de sucre) par portion. « L’unique objectif de Nestlé, et des autres industriels, est de créer une accoutumance ou une dépendance chez les enfants, parce qu’ils aiment le goût sucré », dénonce Laurent Gaberell, spécialiste en agriculture et en alimentation chez Public Eye. La pratique est contraire aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé, qui veut limiter drastiquement l’apport de sucre dans l’alimentation des jeunes enfants afin de lutter contre l’épidémie mondiale d’obésité.

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