
Il y a si longtemps que personne ne l’a appelé lao. Dans le brouhaha qui envahit l’esprit du narrateur tandis qu’il écoute les intervenants de ce colloque sur le génocide des Arméniens, c’est pourtant ce mot qui résonne bientôt avec le plus d’éclat. Lao, « mon petit », « mon garçon », c’est ainsi que le nommait la vieille Nano, à Beyrouth, dans sa jeunesse. Un mot presque oublié de tous, dans un dialecte dont la plupart des locuteurs ont été massacrés par les Turcs, à l’été 1915 : celui de la région de Mouch (aujourd’hui Mus, en Turquie).
Ce dialecte, ce massacre et les souvenirs qu’il en reste sont au cœur de Nom, du grand écrivain arménien Krikor Beledian. Cinquième volume de la fresque « Retour de nuit », après Seuils (Parenthèses, 2011), Le Coup, Signe et L’Image (Classiques Garnier, 2018-2021), ce roman intense et âpre, d’une ampleur presque déroutante, poursuit l’exploration du monde où est né le narrateur, un quartier chrétien de Beyrouth construit par des rescapés du génocide qui, essentiellement en 1915 et 1916, a fait environ 1,3 million de morts, sur 2 millions d’Arméniens vivant alors dans l’Empire ottoman.
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