LA LISTE DE LA MATINALE

Les journalistes du supplément hebdomadaire « Science & médecine » ont lu et choisi des livres qui vous feront découvrir à quel point dénommer les espèces est délicat – même pour une spécialiste de la discipline ! –, à quel point la préhistoire devrait nous donner quelques complexes, à quel point, aussi, l’étude des astres a rythmé la vie des hommes à travers les âges et les régions du monde.

Le regard d’une ethnobiologiste sur la classification du vivant

A la page 66 du livre Qu’est-ce qu’une espèce ?, Meredith Root-Bernstein fait un aveu déroutant : de la même façon qu’elle a les plus grandes difficultés à nommer les différents modèles d’automobiles dont elle distingue parfaitement les formes, il lui arrive en permanence de ne pas se souvenir de la dénomination d’animaux ou de plantes qui lui sont pourtant familiers : « Les connaissances et les mots se mêlent, mais ils ne sont pas la même chose. » Voilà qui n’est pas banal, pour quelqu’un qui a pour profession l’ethnobiologie, c’est-à-dire « l’étude des noms, des formes de catégorisation et des connaissances associées aux espèces dans différentes cultures ou sociétés ».

C’est d’abord à la façon dont les biologistes se sont attachés à décrire les espèces que la chargée de recherche au CNRS nous invite à réfléchir. Pour montrer que la définition standard – « deux espèces sont deux populations sans échange de gènes » – se heurte à de multiples objections.

Que faire de ces espèces dites « annulaires », dont les populations sont capables de se reproduire de proche en proche, mais sont infertiles si on tente de croiser celles situées aux deux extrémités d’une chaîne géographique, par exemple ? A partir de quel pourcentage de divergence génétique trace-t-on la frontière, quand le loup roux et le coyote restent interféconds, alors que leurs génomes diffèrent d’environ 25 % ? Comment classer les lichens, symbiose d’un champignon, d’une algue, et parfois d’une levure ? Et nous-mêmes, que serions-nous sans la multitude de micro-organismes qui nous habitent et concourent à nos fonctions physiologiques les plus élémentaires, faisant de nous des holobiontes ?

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