En dehors de la France, 13 pays européens ont mis en place des restrictions de circulation dans les villes selon les dates d’immatriculation des voitures.
Les critères de ces ZFE, appelées « low emission zones » en anglais, diffèrent d’un pays à l’autre, et même d’une ville à l’autre dans certains pays.
Mise en place, effet sur la pollution de l’air et la santé, remplacement des voitures ou report vers les transports en commun : dans un rapport, l’Ademe dresse un bilan des principaux résultats.

Si en France les restrictions liées aux « zones à faibles émissions » varient d’une ville à l’autre – Paris, Montpellier, Lyon, Grenoble viennent tout juste l’accès des véhicules Crit’Air 3 dans le périmètre de leur ZFE – , nos voisins européens connaissent la même hétérogénéité. Les restrictions varient d’un pays à l’autre, de même que les exceptions et les mesures d’accompagnement, et les dispositifs diffèrent aussi à l’intérieur d’un même pays. 

Dans un rapport paru l’an dernier, l’Ademe, l’agence de la transition écologique de l’État français, analyse les conditions de mise en place et les effets des ZFE chez nos voisins européens, appelées en anglais « low emission zones » (LEZ). Le critère retenu pour définir ces LEZ est celui de l’instauration de restrictions pour les véhicules les plus polluants visant à faire baisser la pollution de l’air aux particules et aux oxydes d’azote.

Tour d’horizon des principaux enseignements.

1 – La mise en place des LEZ en Europe

L’Ademe a recensé 315 LEZ dans 14 pays européens (dont la France) : Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Ecosse, Espagne, Grèce, Italie, Pays-Bas, Portugal, République tchèque et Suède.

La Suède est le premier pays européen à avoir instauré des LEZ : les villes de Göteborg, Malmö et Stockholm ont déployé dès 1996 des « zones environnementales » qui ciblaient les camions diesel et les cars de plus de 3,5 tonnes. Viennent ensuite les régions du Nord de l’Italie, en 2005, les Pays-Bas en 2007 puis Berlin et Londres en 2008.

2 – Les conditions d’application des LEZ

Dans tous les pays concernés, les restrictions ont été, comme en France, progressives, et des dérogations mises en place.

Si à Paris, 22 types de véhicules (liés à des professions, comme par exemple les voitures de marché) ont été exclus du dispositif mis en place ce 1ᵉʳ janvier, chez nos voisins européens, d’autres raisons ont poussé à des exemptions. 

En Allemagne, par exemple, pays qui a misé sur le retrofit, à savoir la modernisation d’un véhicule diesel avec un système de réduction des particules, des dérogations sont délivrées en cas d’impossibilité technique de le faire.

En Écosse, les propriétaires des voitures concernées par la restriction sont exemptés s’ils sont bénéficiaires de prestations sociales sous conditions de ressources.

En Italie, c’est la même chose pour ceux qui pratiquent le covoiturage, avec au moins trois personnes dans leur véhicule. 

En Grèce, la mesure ne s’applique pas pendant les grèves ; et en Italie, en cas d’événements imprévus et exceptionnels de nature météorologique et sociale. 

Au Danemark, des dérogations sont possibles s’il s’agit d’un trajet occasionnel, par exemple lorsqu’il s’agit de se rendre à une consultation dans un hôpital. En Belgique, vous êtes exemptés si la voiture parcourt moins de 3 000 km par an.

Jusqu’à 2180 euros d’amende en Autriche

Dans certains pays, les restrictions concernent aussi les véhicules immatriculés à l’étranger : en Allemagne, en Belgique et aux Pays-Bas, par exemple.

Du côté des amendes, les montants sont très variables : en France, elle est de 68 euros pour les véhicules des particuliers et de 135 euros pour les poids lourds et les transports en commun, soit le plus faible montant parmi tous les pays européens. 

Ainsi, en Allemagne et en Grèce, l’amende est de 100 euros. À Bruxelles, ce montant passe à 350 euros. À Madrid, il faut s’acquitter de 200 euros en cas d’infraction, quand en Autriche, ce montant est compris entre 80 et 2180 euros ! Idem à Londres où l’amende peut aller jusqu’à 1150 euros. 

3 – Des aides et un accompagnement pour les conducteurs

Comme en France, le déploiement des LEZ s’accompagne de différents dispositifs d’aide et d’accompagnement. Car la mesure a un impact social fort : ce sont majoritairement les ménages modestes qui sont propriétaires des voitures les plus polluantes, avec des difficultés financières à renouveler leur véhicule et des besoins de déplacement en voiture.

À Madrid, l’aide est de 6 000 euros pour tout achat de véhicule zéro émission : un montant majoré de 10% sous certaines conditions (personne à mobilité réduite, familles nombreuses, etc). En Belgique, une plateforme numérique unique permet de bénéficier facilement d’une aide financière pour changer de voiture.

Selon les villes, les conducteurs ne se sont pas adaptées de la même façon à ces restrictions, mais une généralité a été observée : bien souvent, les personnes concernées par le dispositif et vivant dans la LEZ ont remplacé leur voiture par un modèle plus propre, quand les personnes résidant à l’extérieur de la zone ont préféré privilégier les transports en commun ou le vélo pour se rendre dans la LEZ.

4 – Quels sont les résultats sur la qualité de l’air ?

Dans son rapport, l’Ademe a recensé les études parues en Europe sur l’impact des LEZ sur la qualité de l’air et la santé. Mais l’établissement public met en garde sur les limites de ces études, et ce, pour plusieurs raisons : d’abord, il est difficile de comparer une LEZ à une autre, tant les critères d’application, les dérogations et les périmètres diffèrent d’une ville à l’autre. 

Ensuite, l’air est certes pollué par les voitures, mais aussi par le chauffage urbain et par les usines et industries : donc toute diminution ou hausse de certains seuils ne s’explique pas par le seul impact des voitures sur la qualité de l’air. Enfin, le large déploiement en Europe de filtre à particules sur les voitures diesel, avec son obligation depuis 2011, a aussi un impact sur la qualité de l’air.

En dehors de ces réserves, les chiffres sont intéressants : 

— à Londres, le dioxyde d’azote (NO2) a diminué de 20% entre 2010 et 2022, et même de 44% dans le centre de Londres.

— à Munich, le taux de particules dans l’air a baissé de 14,8% ; et de 10,5% à Berlin. Dans les deux villes, la mise en place de la LEZ a été accompagnée d’une interdiction de transit des poids lourds, qui a évidemment contribué à ces résultats.

5 – Quels sont les impacts sur la santé ?

L’Ademe fait état de plusieurs études sur les effets sur la santé, et précise que la plupart concluent à une réduction de la prévalence de certaines pathologies, telles que les maladies circulatoires et chroniques des voies respiratoires. Cet impact sanitaire a été chiffré en France pour la région Ile-de-France par l’Observatoire régional de santé : la baisse de mortalité liée à la mise en place de la ZFE fait gagner entre 0,76 et 2,36 milliards d’euros suivant les scénarios, et les gains économiques liés à la réduction de l’asthme permet d’économiser entre 2,3 et 8,3 millions d’euros.

Les effets sanitaires sont augmentés si le trafic diminue. Mais ce dispositif a-t-il un impact sur le nombre de voitures en circulation ? À Belgique, grâce à un dispositif de caméras pour observer le respect de la LEZ, des données sont disponibles : entre le 3ᵉ trimestre 2018 et le dernier trimestre 2021, la part de l’ensemble des véhicules interdits en 2021 est passé de 6% à 0,2%.

L’Ademe rapporte que l’effet sur le trafic est plus important quand la mise en place de la LEZ s’est accompagnée d’un péage urbain, comme à Madrid, Londres et Stockholm. Ainsi, à Londres, avec un péage d’environ 13 euros pour circuler de 7h à 18h dans la LEZ, le trafic a diminué de 4% dans ce périmètre entre 2019 et 2022.


Marianne ENAULT

Partager
Exit mobile version