Célébration liturgique, événement architectural et technique, sommet diplomatique, spectacle planétaire, symbole unificateur en pleine crise politique… Les cérémonies de réouverture de la cathédrale Notre-Dame, samedi 7 et dimanche 8 décembre, à Paris, revêtent une multitude de significations. La portée de l’événement est à la mesure de l’immense émotion internationale qu’avait provoquée l’incendie du 15 avril 2019.

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Accablante mais sans responsable humain désigné, la catastrophe avait tout pour provoquer un de ces embrouillaminis dont la France est réputée avoir le secret, entre polémique Etat-Eglise, querelle des anciens et des modernes, recherche de boucs émissaires et démonstration d’inertie administrative. Des risques portés à leur paroxysme par le fait que, comme l’a dit au Monde Olivier Ribadeau Dumas, recteur de la cathédrale, « tout est passionnant dans Notre-Dame, donc tout est passionnel ».

Rien de tout cela n’a finalement empêché que soit tenue l’impérieuse promesse d’Emmanuel Macron de « rebâtir » Notre-Dame « d’ici cinq années ». Si , auprès aussi bien de multinationales et de célébrités que de petits donateurs, et la promesse d’une visibilité mondiale pour les firmes mécènes constituent le premier secret de cette indéniable réussite, le volontarisme affiché par le président de la République, son engagement personnel continu, la fixation d’une date butoir ont permis que ce chantier titanesque mené à un train d’enfer soit achevé en temps voulu.

Pas une réponse aux maux du pays

Mais le verbe présidentiel serait resté vain sans l’engagement et le talent des charpentiers, couvreurs, ingénieurs, restaurateurs, tailleurs de pierre, vitraillistes et autres corps de métier travaillant sous la houlette d’un établissement public créé pour l’occasion et dirigé par le général Jean-Louis Georgelin, puis, après sa mort, par son bras droit, Philippe Jost.

Cette incontestable prouesse vaut-elle pour autant « métaphore de la vie de la nation » et « antidote à l’abattement », comme l’a dit Emmanuel Macron le 29 novembre en visitant la cathédrale qui, avec sa pierre blonde et ses vitraux restaurés, a retrouvé la lumière ? En réalité, la renaissance de Notre-Dame, fruit à la fois d’une émotion populaire et d’une pratique verticale du pouvoir, traduit surtout l’extraordinaire puissance politique du patrimoine comme valeur refuge dans une période de crise et de panne de projet. La reconstruction à l’identique de la flèche de Viollet-le-Duc et l’incertitude qui plane sur le concours pour la conception de vitraux modernes confirment le poids du conservatisme, y compris chez un président qui prétendait enterrer l’« ancien monde ».

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Le sublime spectacle d’une cathédrale de près de 900 ans remise à neuf en un temps record ne constitue pas en soi une réponse aux maux profonds dont souffre le pays. Mais, à l’heure où se « réveille » son formidable grand orgue devant une quarantaine de chefs d’Etat et de gouvernement, y compris Donald Trump pour son premier déplacement à l’étranger depuis son élection, Notre-Dame offre à la France une magistrale démonstration d’une force trop souvent oubliée ou négligée : le soft power d’un pays qui, tout comme pendant les Jeux olympiques de Paris, est capable de faire converger les regards du monde entier sur lui, non seulement pour ses drames, ses déficits et ses poussées de fièvre, mais aussi pour ses talents, son organisation et sa résilience.

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Le Monde

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