Vladimir Poutine a accueilli avec enthousiasme, mais prudence, le revirement diplomatique de Washington.
Après avoir fait des États-Unis un ennemi « satanique », les relais du Kremlin lui emboitent le pas.
Récit d’un changement de ton sans pareil sur les plateaux des propagandistes.

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Le clash Trump-Zelensky, un tournant dans la guerre en Ukraine ?

Sur les plateaux moscovites, les visages d’ordinaire fermés peinent à masquer leur enthousiasme. Il faut dire que de l’autre côté du Pacifique, non seulement Donald Trump s’en prend ouvertement à Volodymyr Zelensky devant les caméras du monde entier. Mais plus encore, le président des États-Unis endosse les arguments du Kremlin autour de la guerre en Ukraine. Après avoir décrit son homologue ukrainien comme un « dictateur sans élections », il l’accuse d’être à l’origine du conflit qui a éclaté suite à l’invasion russe. Un narratif tout droit venu de Moscou, qui ravit les porte-voix du pouvoir moscovite.

Trump, d’idiot utile à « homme normal »

À commencer par le porte-parole du Kremlin. Lors d’un entretien avec la télévision d’État diffusé ce dimanche 2 mars, Dmitri Peskov a estimé que la politique étrangère américaine « coïncidait largement » avec la vision russe. « Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir, car l’ensemble des relations bilatérales a subi d’énormes dommages », ajoutait-il toutefois (nouvelle fenêtre) pour nuancer son enthousiasme.

Un discours qu’on retrouve presque à l’identique dans la bouche de Margarita Simonian. Ancienne rédactrice en cheffe de RT, dont elle avait pris la tête sur ordre de Vladimir Poutine en personne, celle qui est devenue l’une des personnalités les plus importantes de la composante propagandiste du régime a décrit Donald Trump comme un chef d’État à la « politesse irréprochable ». Dans une analyse pleine de précaution, elle a estimé ce lundi sur le plateau de la chaine publique que le locataire de la Maison Blanche « a montré qu’il était une personne normale, contrairement au groupe en charge pendant de longues années ». Un décryptage que cette fidèle à Vladimir Poutine (nouvelle fenêtre)a même partagé sur son canal Telegram, sur lequel sa parole est rare.

Si le pouvoir jubile, la prudence est de mise pour ne pas fracturer le récit longtemps entretenu sur les plateaux. À raison, tant le changement de ton est radical. Il y a quelques semaines encore, le milliardaire était plutôt dépeint en idiot utile. « Je suis pour Trump, car c’est un destructeur », avait par exemple lancé l’expert Andrey Sidorov, quand la chaine Rossiya-1 avait tenu à saluer le retour de Melania Trump à la Maison-Blanche en diffusant un montage de toutes les photos dénudées de la future Première dame. « Trump fait tout pour détruire l’Amérique », avait même lancé le propagandiste en chef, Vladimir Soloviev, au lendemain de sa réélection (nouvelle fenêtre).

Mais ce mardi 4 mars, ce même Soloviev l’assure : Moscou n’a jamais eu aucun problème avec Washington. Dans ce que Julias Devis, créatrice du « Russian media monitor », décrit comme un « renversement orwellien » (nouvelle fenêtre), le présentateur russe tente désormais d’effacer des années d’attaques frontales. Après avoir troqué son air grave habituel pour un large sourire, il redirige ses assauts verbaux vers le nouvel ennemi tout trouvé : l’Union européenne. « Les masques sont tombés », a-t-il lancé ce 4 mars à ses auditeurs, d’après une traduction réalisée par le collectif « Russian media monitor » (nouvelle fenêtre). Avant de recycler la terminologie qu’il a longtemps réservée à l’Otan et Washington. « Nous voyons que c’est l’Europe qui est entièrement derrière cette guerre. Cette Europe sans dieu, totalement satanique. » 

Trump ne reconnaitra pas l’Union européenne

La prédiction de Vladimir Soloviev, propagandiste en chef du Kremlin

Face à un « alignement » entre Trump et la position du Kremlin, comme s’en est félicité Kirill Fedorov, un blogueur militaire ultranationaliste suivi par 500.000 personnes, ces relais du narratif russe vont donc encore plus loin dans leur revendication. Sur Rossiya-1, Vladimir Soloviev exige dorénavant que Volodymyr Zelensky soit jugé pour crimes contre la Russie. Et il rêve même encore plus grand. Il pressent que Donald Trump s’occupera par la même occasion du sort des Vingt-Sept. « Voilà comment ça va se passer : désintégration de l’Otan, destruction de l’Union européenne, car Trump ne reconnaitra pas l’Union européenne, guerre économique entre l’Amérique et l’Europe », a-t-il listé, avant d’appeler de ses vœux à une « coopération militaro-technique avec la Russie ». 

Comme Vladimir Soloviev, d’autres figures des médias sont passées de la haine à un appel du pied sans aucune pondération. Dans une lettre directement adressée au président des États-Unis, Ben Swann, ancien dirigeant de RT aux États-Unis, lui demande de lever « toutes les sanctions contre RT, Sputnik et ANO TV-Novosti », ces organes de propagande russe sanctionnés par Washington et Bruxelles. Une mesure « afin que toutes les voix, tous les journalistes et tous les points de vue puissent encore être entendus ». Dont ceux qui se font directement le porte-parole de Vladimir Poutine.


Felicia SIDERIS

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