La contestation du dollar n’est pas nouvelle. Valéry Giscard d’Estaing dénonçait déjà le « privilège exorbitant » de la monnaie en 1964. Les Etats-Unis n’ont jamais caché que le système dollar reposait sur une hiérarchie internationale : « Le dollar est notre monnaie, mais c’est votre problème », affirmait John Connally, secrétaire américain au Trésor, en 1971. Aujourd’hui, cette conflictualité prend une ampleur inédite. Nous sommes en guerre des monnaies pour trois raisons principales.

Tout d’abord parce que les décisions de la Réserve fédérale (Fed), la banque centrale américaine, génèrent de plus en plus un « cycle financier global » – un phénomène mis en lumière par l’économiste Hélène Rey – qui s’impose au reste du monde : lorsqu’elle modifie ses taux directeurs, sa politique monétaire a des effets collatéraux sur la liquidité internationale et réduit l’autonomie des autres banques centrales. Ce qui accroît les frustrations.

Ensuite parce que la multiplication des sanctions financières américaines contre les pays qui ne respectent pas l’agenda de l’administration Trump a exacerbé la volonté de s’émanciper de l’hégémonie du dollar. Depuis la guerre en Ukraine, les dix pays du groupe des BRICS+ ont multiplié les initiatives de dédollarisation.

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Enfin parce que la guerre commerciale engagée par l’administration de Donald Trump est étroitement associée à l’instrumentalisation croissante du dollar comme arme monétaire. La stratégie en apparence ambivalente du président américain, visant à la fois un dollar « fort » et hégémonique dans les relations internationales, et « faible » au niveau du taux de change pour favoriser les exportations, n’est pas contradictoire. La puissance hégémonique du dollar et la compétitivité de son taux de change relèvent de deux registres différents. Historiquement, la dépréciation du dollar n’implique pas nécessairement l’érosion de son statut de monnaie de réserve.

L’hétérogénéité de bons du Trésor

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