Plus de deux mois après la campagne de frappes israélo-américaines contre l’Iran, le dossier nucléaire iranien n’a pas disparu des agendas diplomatiques, bien au contraire. Cette persistance témoigne tout d’abord de la difficulté à évaluer l’impact réel des bombardements sans précédent dont la République islamique a été la cible en juin. Le limogeage, le 23 août, du chef du renseignement militaire des Etats-Unis, Jeffrey Kruse, en témoigne. Son éviction est survenue après la publication d’un rapport de ses services qui estimait que le programme nucléaire iranien avait été retardé de plusieurs années par ces frappes, contrairement aux affirmations péremptoires du président des Etats-Unis, Donald Trump, déclarant que les sites visés avaient été complètement détruits.

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Cette incertitude, qui souligne les limites de l’option militaire, rend plus que jamais nécessaire la reprise d’un dialogue avec le régime iranien. Il s’agit en effet du seul moyen pour parvenir à un encadrement durable et strict de ses ambitions nucléaires, basé sur la vérification et la transparence. A l’évidence, les bombardements décidés par Israël, rejoint par la suite par les Etats-Unis, ont rendu cet objectif, déjà ardu, encore plus compliqué.

Le ministre des affaires étrangères iranien, Abbas Araghtchi, après une réunion sur le programme nucléaire de Téhéran, à Genève, le 20 juin 2025.

Les pays européens, restés fidèles à l’accord âprement négocié en 2015 mais déchiré de manière irréfléchie par Donald Trump au cours de son premier mandat, doivent décider, avant la fin du mois d’août, de rétablir ou non des sanctions internationales liées au programme nucléaire, suspendues par cet accord. Ce mécanisme, le « snapback », était prévu en cas de violation significative de ses termes. En mettant fin aux visites de ses sites par les inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), l’Iran s’est placé de lui-même en infraction. Les Etats-Unis, bien que sortis unilatéralement de cet accord, font pression sur l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni pour qu’ils activent cet outil diplomatique, afin de renforcer les pressions sur un pays dont l’économie est déjà aux abois.

Expiration de l’accord de 2015

Le temps est compté pour sortir de l’impasse, voire d’une nouvelle escalade qui verrait la guerre devenir une variable d’ajustement et l’Iran mettre à exécution sa menace de sortir du traité de non-prolifération nucléaire. L’accord de 2015, prévu pour dix ans, expire en effet en octobre, ce qui priverait alors les Européens de ce levier de sanctions. Cette échéance ne peut qu’inciter le régime iranien à gagner du temps.

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Il s’agit d’un calcul hasardeux et périlleux de la part de l’Iran, qui aurait tout avantage à donner des gages de bonne volonté aux Européens. Ces derniers sont prêts à ne pas réimposer les sanctions à deux conditions. Permettre tout d’abord aux inspecteurs de l’AIEA, qui viennent de faire leur retour en Iran, de reprendre leurs travaux dans les sites les plus sensibles, ceux qui ont été bombardés en juin. Reprendre ensuite un dialogue véritable avec les Etats-Unis.

L’objectif d’empêcher l’Iran de se doter de l’arme nucléaire n’a pas changé depuis deux décennies, mais les termes de l’équation ont été considérablement modifiés depuis le dernier accord international. Contrairement à 2015, l’Iran bénéficie désormais du soutien actif de la Russie et de la Chine. Le Moyen-Orient n’a pourtant rien à gagner à devenir le théâtre d’une guerre froide par procuration entre grandes puissances.

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Le Monde

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