
« Faire rire quelqu’un », « prendre une cuite », « devenir riche » ou « ne pas mourir seul »… Les mouches de Time Flies (disponible le 31 juillet sur PC, PlayStation et Switch) ont rédigé des bucket lists (listes de choses à faire avant de mourir). Toutefois, il y a un hic : elles succombent au bout d’une poignée de secondes.
Bzzz ! A chaque décollage, un compte à rebours débute. Premier insecte, premier niveau : on fait des loopings dans le salon d’une maison. Que se passe-t-il si l’on s’approche du ruban tue-mouches fixé au plafond ? « Vous êtes mort », nous informent aussitôt des lettres blanches sur fond noir. Pas le temps de faire de vieux os.
La deuxième mouche a plus de succès. Deux objectifs de vie sont atteints : « apprendre un instrument » en frottant les cordes d’une guitare et « rouler sa bosse » en déroulant le papier toilette des W-C. D’un seul coup, le bourdonnement cesse : la mort nous fauche en plein vol au bout de quatre-vingts secondes. Le diptère gît désormais sur un lavabo, et son cadavre ne disparaîtra jamais. Il en sera ainsi de la dizaine d’autres spécimens sacrifiés pour terminer le niveau introductif.
Regarder les mouches voler
Dans les niveaux supérieurs, l’exploration prime toujours. On arpente d’abord les lieux pour comprendre comment satisfaire chaque objectif de vie. Puis, une fois que l’on a semé assez de cadavres pour épuiser toutes les possibilités, on enfile ses chaussures de sprinteur avec un seul but : atteindre en une fois tous les objectifs de vie d’une seule mouche afin de passer à la suite, à la manière de certains jeux mettant en scène des boucles temporelles, comme Deathloop.
Plus on progresse et plus il devient agréable de flâner dans les décors en noir et blanc inspirés par le jeu d’avion en papier Glider, sorti sur Mac en 1988. Car, si l’on meurt tout le temps, on est en contrepartie gratifiés de nombreux secrets, surprises et blagues douces-amères, qui poussent à se cogner contre tous les objets et à marcher sur toutes les surfaces, plafond compris, pour les découvrir.
Malgré ses dessins pixélisés qui semblent conçus sur le modèle de l’antique logiciel Paint de Microsoft, Time Flies n’a rien de naïf. Le studio Playables fait preuve d’un sens du détail pointilleux typique des miniaturistes, hobby auquel les concepteurs rendent d’ailleurs hommage durant la dernière ligne droite de l’expérience.
Vies minuscules
Le calembour de son titre (flies veut dire « mouches » en anglais, et time flies signifie « le temps passe vite ») pourrait le faire passer pour un simple jeu gaguesque. Cependant, cette brève expérience (deux heures et une cinquantaine de mouches suffisent à la terminer) invite à la méditation sur la fugacité du temps – est-ce une coïncidence si Playables est établi en Suisse, le pays des montres et des horloges ?
« Souviens-toi que tu vas mourir », semble ainsi souffler au joueur le premier écran de chaque partie, qui l’invite à fixer l’espérance de vie de son insecte en fonction d’une nationalité. Les mouches françaises, par exemple, vivent 81,9 secondes, soit un équivalent (en secondes, et non en années, donc) de l’espérance de vie à la naissance dans ce pays, selon les données de l’Organisation mondiale de la santé. En revanche, choisir le Lesotho, petit royaume d’Afrique australe, fait tomber ce chiffre à 51,5 secondes.
Depuis la persistance des cadavres jusqu’aux réponses burlesques aux objectifs ambitieux de notre bucket list, les memento mori ne manquent pas. Les éléments du décor eux-mêmes évoquent la fragilité de la vie à la manière des vanités de la peinture classique : pouce en bas encadré moquant la vacuité des likes sur les réseaux sociaux, crâne avec des lunettes, cadavre flottant dans un égout… Aborder le thème le plus grave qui soit avec la plus grande légèreté était peut-être une entrée de la bucket list des développeurs. Objectif atteint.
En bref :
On a aimé :
- mourir toutes les minutes sans se lasser.
On a moins aimé :
- culpabiliser pour chaque moucheron tué dans la vraie vie après y avoir joué ;
- savoir que l’une des grandes qualités du jeu est de ne pas gonfler artificiellement sa durée de vie (entre une heure et demie et deux heures), tout en se sentant frustré de l’avoir terminé si vite.
C’est plutôt pour vous si :
- vous êtes sensible à l’humour noir…
- et aux graphismes (un peu austères) en noir et blanc.
Ce n’est plutôt pas pour vous si :
- les chronomètres vous stressent ;
- penser à la mort aussi.
La note de Pixels :
50320 (code postal de la commune de La Mouche, dans la Manche) /59810 (code postal de Lesquin, dans le Nord, dont des quartiers subissent actuellement une invasion de mouches)