Emilia Pérez a tout pour séduire les Oscars et horripiler Donald Trump. Cette conjonction des contraires devrait faire triompher le film de Jacques Audiard à Hollywood, le 2 mars. L’histoire d’un narcotrafiquant mexicain qui devient une femme, endossant le combat féministe pour gommer ses péchés, est un pitch béni pour l’usine à rêves, dans une Amérique brutalisée par son nouveau patron. Du reste, rien ne semble pouvoir arrêter « Emilia » : deux prix à Cannes en mai, quatre Golden Globes, et maintenant treize nominations aux Oscars, soit le film non anglophone le plus cité de l’histoire de la compétition.

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Mais voilà le film plombé par les polémiques. Des voix, au Mexique, le trouvent insultant pour leur pays. Chaque plan est épluché afin de pointer les erreurs factuelles et les clichés exotiques. On s’indigne de l’absence de Mexicains dans le casting, on moque l’accent de la pop star américaine Selena Gomez, et l’on trouve indécente la légèreté avec laquelle sont traités les 450 000 morts et 100 000 disparus du narcotrafic.

On critique la fable qui assimile une transition de genre à la rédemption ou à la mort. Certains dénoncent un objet colonialiste, le même qui, dans le passé, a inspiré les écrivains Jack Kerouac ou André Breton. Le magazine de gauche Gatopardo, le 10 janvier, le compare même à un film de propagande nazie.

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Audiard est accusé d’appropriation culturelle. En tant qu’artiste blanc, cisgenre et issu d’un pays dominant, il n’est pas légitime à emprunter les motifs d’un pays moins visible afin de faire tourner à son profit les clichés – nourriture épicée, mezcal et guacamole. Comme d’autres avant lui, le cinéaste a fait acte de contrition – obligatoire pour les Oscars. Mais il a aussi rappelé son approche d’artiste en des termes qui ont mis le feu : « Ce que je devais comprendre du pays, je le savais déjà un peu. » « Shakespeare avait-il besoin d’aller à Vérone pour écrire une histoire sur cet endroit ? » « Le film était un opéra, et donc non réaliste. »

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