Lundi 28 avril, à l’occasion de la remise du rapport du groupe de travail créé lors des Assises de la lutte contre l’antisémitisme, Aurore Bergé, ministre chargée de la lutte contre les discriminations, a annoncé qu’elle demandait à « sortir du droit de la presse les cinq infractions à caractère raciste et antisémite », mesure que le groupe de travail, dans sa sagesse, n’avait pas conseillée.
En clair, il s’agit, pour tout propos suspecté d’antisémitisme ou de racisme, d’écarter les juges spécialisés et les mesures spécifiques protégeant la liberté d’expression. Cela concerne chacun de nous, car nous sommes tous susceptibles d’être poursuivis pour des propos relevant du libre débat.
Voilà que le serpent de mer réapparaît ! Tous les cinq à dix ans, le projet consistant à tenter d’extraire certaines infractions de la loi sur la presse est annoncé par les gouvernants ou les parlementaires. La dernière fois, c’était en 2019.
C’est l’archétype de la fausse bonne idée. L’antisémitisme et le racisme doivent être combattus. La République ne devra jamais y renoncer. Nous avons un attachement viscéral à la lutte contre ce fléau, dénoncé avec des mots forts et justes par Aurore Bergé. Mais la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse n’est pas le problème. Elle est au contraire la meilleure solution à la répression des discours haineux dans un cadre démocratique.
Savoir débusquer les signaux cachés
Les magistrats qui ont à connaître quotidiennement des délits de presse les sanctionnent avec rigueur et prévisibilité. Or, pour distinguer l’opinion licite du message discriminatoire, il faut être rompu à l’art de juger les mots. Cela ne s’improvise pas, il faut savoir débusquer les sous-textes et les signaux cachés, car la frontière entre les deux n’est pas toujours aisée à tracer. Cette garantie joue aussi bien en faveur des associations de lutte contre le racisme, qui font un travail indispensable, qu’en faveur de ceux qui sont poursuivis et dont les droits de la défense doivent être respectés.
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