Le chat de la Ve République va-t-il retomber sur ses pattes ? La première hypothèse est en effet que tout reparte comme avant. Le saut dans le vide auquel nous sommes confrontés est impressionnant, mais le chat réussit son rétablissement, il suffit d’attendre un peu. A la prochaine élection, une majorité absolue remportera la victoire. Le résultat des élections accouchera à nouveau d’un « fait majoritaire ».
Le schéma de la Ve République sera ainsi rétabli ; un schéma de fer où la force de l’élection donne la force du gouvernement qui donne la force de la majorité dans l’Hémicycle. Les planètes sont alignées. Le gouvernement est sûr de son pouvoir, au point de pouvoir se passer d’un débat contradictoire dans les assemblées. Le peuple s’étant exprimé, le président étant élu, la majorité étant là, le Parlement est intrinsèquement un simple facilitateur du fait de gouverner. Si la Constitution a prévu seulement soixante-dix jours pour laisser aux élus le temps d’éplucher et de discuter les budgets d’une complexité sans nom (puisque même Bercy en a perdu le fil…), c’est bien qu’un tel délai n’est pas fait pour donner une voix au Parlement, mais pour la lui retirer.
Ce retour à l’alignement des planètes trotte à l’évidence dans la tête de la plupart des acteurs ces jours-ci. Ceux qui appellent à la destitution ou à la démission du président de la République ont d’ailleurs le raisonnement logique le plus fort : il vaudrait mieux effectivement tout recommencer par l’élection du président, puis enchaîner sur une victoire du camp présidentiel lors des élections législatives.
Dans la période actuelle, rien n’est à exclure et un tel scénario demeure parfaitement crédible. On pourrait même avoir une élection d’un nouveau président, ou d’une nouvelle présidente, portée par un ras-le-bol populaire doublé par un raz-de-marée dans les législatives qui suivent. En cas de législatives directes, sans démission du président, on pourrait aussi avoir une majorité absolue à l’Assemblée déduite d’une victoire électorale claire et nette de tel ou tel parti. Dans les deux cas, le régime dit « fort » serait restauré.
« L’échec du “retour” au parlementarisme »
Il existe cependant une seconde hypothèse, celle où la Ve République entre dans un régime durable d’impossible majorité. Il existe en effet quelque chose de plus fort que la tactique actuelle des acteurs, c’est le mouvement de fond qui se développe à partir du nouveau comportement social ou « culturel » des électeurs, tel qu’on le voit depuis la Pennsylvanie jusqu’en Roumanie. C’est exactement ce qui s’est passé en juillet dernier : ne votant pas comme on l’attend d’eux, les électeurs s’émancipent sur fond de fragilité des partis et de faiblesse des coalitions. Premièrement, ce comportement nous fait entrer dans l’ère des majorités impossibles. Deuxièmement, ce nouveau cours redonne une place centrale au Parlement. Au cœur de l’été, celui-ci a, en quelque sorte, pris la main. Et, tout s’est passé comme si le « mistigri » de la difficulté à gouverner avait été transféré de l’exécutif vers le législatif.
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