• Depuis décembre dernier en Espagne, un décret royal oblige les professionnels du tourisme à collecter une quantité massive de données personnelles et bancaires de leurs clients.
  • Ce « big brother du tourisme » divise.
  • Une équipe de TF1 s’est rendue sur place.

« Il faut que vous remplissiez à la main toutes ces données s’il vous plaît« . Depuis décembre dernier, Javier Camarero de la Funete, chef de réception de l’Hotel Moderno à Madrid, fait cette demande à tous les clients étrangers séjournant dans son établissement 3 étoiles. Le décret royal entré en vigueur ce mois-là dans toute l’Espagne l’oblige à recueillir, outre les informations habituelles (nom, mail et numéro de la pièce d’identité), tout un tas de données personnelles et bancaires supplémentaires, comme leur numéro de téléphone, leur lieu de naissance, leurs liens de parenté avec d’autres voyageurs, des détails sur le mode de paiement…

« Il faut que vous remplissiez à la main toutes ces données« , précise-t-il à Cindy et Mathilde, venues passer trois jours dans la capitale espagnole, dans le reportage du 20H de TF1 visible en tête de cet article.  « C’est un peu lourd et relativement indiscret », réagissent les deux jeunes Françaises après fourni les informations nécessaires. « Les policiers vérifient les données qu’on leur envoie, et si nous hébergeons une personne recherchée, ils nous contactent « , indique de son côté le réceptionniste face à notre caméra.

Ces données doivent être envoyées chaque soir au ministère espagnol de l’Intérieur, par le biais d’une plateforme numérique dédiée, sous peine d’écoper d’une amende pouvant atteindre 30.000 euros. « Personne ne s’en sort ! Avant, on transmettait huit données. Maintenant, c’est un minimum de 13 et un maximum de 42, détaille, au micro de TF1, Ramon Estalella, secrétaire général de la Confédération espagnole des hôtels et logements touristiques. Pour nous, c’est complètement illégal et disproportionné. » La mesure concerne l’ensemble du secteur du tourisme, incluant aussi les campings, les agences de voyage ou les entreprises de location de voitures qui doivent, elles, transmettre plus de 60 données par client. « Nous ne soumettrons personne à un interrogatoire, nous ne pouvons pas le faire, ni supporter les coûts opérationnels de ce système », a écrit la Confédération espagnole des agences de voyages dans une lettre ouverte au ministre de l’Intérieur.

Capture d’écran TF1

De leur côté, les autorités rétorquent que ce « big brother du tourisme », surnom donné au décret par ses détracteurs, doit servir la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée. « Pendant deux ans, lors d’un essai basé sur le volontariat, nous avons pu arrêter 18.000 personnes. Par exemple, connaître le lien de parenté, s’il y a un mineur, nous permet d’enquêter sur le trafic d’êtres humains », argue, au micro de TF1, Rafael Perez Ruiz, secrétaire d’État à la sécurité au ministère de l’Intérieur. 

Les voyageurs qui ne souhaitent pas communiquer ces données peuvent se voir refuser l’entrée dans un hôtel ou la réservation d’une voiture. Dans les rues de Madrid, les réactions sont contrastées. « Si ça va à la police, ça ne me pose aucun problème. Elle sait déjà que je suis là, j’ai pris l’avion, j’ai passé les contrôles », confie un Français. Alors que pour un autre touriste, « Ils collectent nos informations personnelles et on ne sait pas vraiment ce qu’ils en font ». D’autres pays européens pourraient bientôt suivre cette voie. 

Hamza HIZZIR | Reportage TF1 Victoria DAVID, Coline DAVID, Maud PETIT-JOVÉ

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