Dans le sillage de l’affaire Bétharram, de nouvelles voix s’élèvent dans d’autres établissements catholiques du sud-ouest.
Le JT de 20h a recueilli le témoignage de trois anciens élèves de Notre-Dame-de-Garaison, marqués à vie par des méthodes éducatives violentes.
Un quinquagénaire explique pour sa part avoir été violé à l’âge de 9 ans, dans la cour de récréation de Saint-François Xavier d’Ustaritz.
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Violences et abus sexuels au collège-lycée de Bétharram
Les révélations sur les violences infligées aux enfants et adolescents au sein de l’institution Notre-Dame de Bétharram ont libéré la parole d’anciens élèves d’autres établissements catholiques du sud-ouest. Thierry Ballarin va avoir 60 ans et reste marqué, dit-il, par les violences qu’il a subies au sein de l’école de Notre-Dame-de-Garaison, située à Monléon-Magnoac dans les Hautes-Pyrénées. Il décrit notamment des punitions collectives dans les dortoirs quand il avait 11 ans. « Vous étiez réveillé trois fois par nuit. La lumière était allumée. Tout le monde se mettait les pieds joints et les mains bien derrière la taille pour attendre une gifle, voire deux gifles consécutives à tour de rôle. Et tout le dortoir, c’était pareil », témoigne-t-il dans le reportage en tête de cet article, évoquant « beaucoup de violences physiques. »
L’ancien élève décrit également les coups de lacets avec des clés du surveillant général ou encore les coups de santiags, alors que dans sa famille, déjà, c’était difficile, dit-il. « Subir ça derrière, innocemment, sans raison aucune, c’est un ravage. Ça détruit une partie de votre vie. Vous ne pouvez pas sortir indemne de violences comme ça ». Comme lui, ils sont une quinzaine à décrire des méthodes éducatives violentes dans un collectif animé par un autre ancien élève. Ce dernier a été blessé.
« Une violence physique qui m’a perforé le tympan »
« Moi, je témoigne d’être victime d’une violence physique qui m’a perforé le tympan gauche en 1987, de la part du surveillant général de l’établissement de Garaison », explique Philippe dans la vidéo ci-dessus, évoquant une gifle dont il garde un certificat médical. Il a ensuite quitté l’établissement.
De 1984 à 1987, Christophe, lui, était en CM1, CM2 et sixième. « C’était beaucoup plus grave avec un surveillant qu’on surnommait ‘le Crabe’. Quand on prenait des gifles, d’ailleurs, des fois, on la prenait sur le nez, on partait le nez en sang », confie celui qui préfère témoigner à visage caché.
Un ancien élève de Notre-Dame de Garaison vient de déposer la première plainte pour violences aggravées et viols. Dans un communiqué, la direction actuelle ne conteste pas les châtiments corporels par le passé, affirmant qu’ils sont totalement proscrits aujourd’hui.
Dans le sillage de l’affaire Bétharram, de nouvelles voix s’élèvent aussi au collège Saint-François Xavier d’Ustaritz au Pays Basque. « Saint-François-Xavier, c’était un tournant de ma vie. Je me suis retrouvé coincé dans un coin de la cour par des élèves. En résumé, sous la forme d’un jeu, l’un d’entre eux m’a fait mettre le ventre sur ses genoux. Je portais un petit short de sport », témoigne Cyril Ganne, en train de décrire un viol et un basculement de sa vie à l’âge de 9 ans, en CM2. Le quinquagénaire évoque les conséquences sur sa vie d’adulte, sa difficulté à faire confiance aux autres. Sa vie en est transformée, dit-il. Il témoigne également de violences de la part d’un surveillant. « On avait des gifles, de temps en temps, en guise de sanctions. Un jour, ce surveillant m’a frappé en tournant sa chevalière à l’intérieur de la main. Je suis rentré à la maison avec la marque de la chevalière sur la tempe », confie-t-il.
« Il est nécessaire que les victimes parlent »
A l’époque, ce dernier n’a pas parlé. C’était la norme éducative à Saint-François-Xavier, dit-il. La directrice actuelle de l’établissement affirme qu’elle découvre ces faits. « En tant qu’éducatrice, j’ai ressenti de la honte. Il s’agit d’une histoire qu’on ne peut pas renier et qu’on n’a pas envie de porter, mais qu’on porte malgré nous », explique Pantxika Lopepe. « Ces méthodes éducatives n’ont plus lieu depuis les années 2000 », affirme-t-elle. Pas très loin, à Dax, cette fois dans l’ancien collège Sacré-Cœur, plusieurs anciens élèves relatent cette semaine des faits de viol par des prêtres jusqu’aux années 80. Il y a quatre ans déjà, deux autres avaient porté plainte. Si les faits étaient prescrits, l’Église les a indemnisés.
Comment ceci a-t-il pu durer aussi longtemps dans certains établissements de l’enseignement catholique ? « On n’a peut-être pas su, on n’a peut-être pas voulu écouter la parole des jeunes. On a peut-être parfois cherché à protéger une institution plutôt que la personne. Et aujourd’hui, ce temps révolu, la personne doit être protégée et non pas l’institution », explique Philippe Delorme, secrétaire général de l’enseignement catholique. L’Église ne cherche plus à minimiser. « Il est nécessaire aujourd’hui que les victimes parlent et surtout qu’elles soient entendues », insiste-t-il. Le ministère de l’Éducation nationale évoque de son côté aujourd’hui des contrôles renforcés dans les établissements privés sous contrat.