Houda Tabbakh se hasarde prudemment dans la villa de quatre étages, attendant qu’on l’invite. « Je suis la voisine d’en face. Je voulais voir la maison », dit la Syrienne de 60 ans, les cheveux courts teints en blond, à l’attention du jeune combattant cagoulé. La kalachnikov en bandoulière, Raghab parcourt les livres reliés sur la vie du prophète Mahomet, empilés, intacts, dans l’entrée. Le jeune homme de 20 ans, originaire de Homs, a été affecté par son unité de Hayat Tahrir Al-Cham (HTC, Organisation de libération du Levant, ancienne branche d’Al-Qaida en Syrie) à la garde de cette rue du quartier chic de Malki, à Damas.
Depuis son balcon aux volets verts, au troisième étage de l’immeuble faisant face à la villa moderne entourée de végétation luxuriante, Houda Tabbakh a une vue imprenable sur la résidence du président syrien déchu, Bachar Al-Assad. « C’est la première fois que je viens ici. J’avais même peur avant de regarder la maison », dit-elle. Durant les quarante ans qu’elle a passés dans cet appartement, elle n’a jamais croisé ni le père, Hafez Al-Assad, qui occupait la villa mitoyenne jusqu’à sa mort en 2000, ni le fils, Bachar, son épouse, Asma, et leurs trois enfants, qui s’étaient installés à côté, « en 2006, si [s]es souvenirs sont bons ».
Quatre jours après la chute de Damas, le 8 décembre, la villa, pillée et ses meubles saccagés, est toujours inoccupée. Les hommes de HTC tiennent les barrages des deux côtés de la rue, où un responsable de la faction rebelle a pris ses quartiers. Ils ont mis fin au flot incessant de curieux qui venaient voir la résidence privée du dictateur honni. Les papiers et les affaires, encore éparpillés à chaque étage, dévoilent le quotidien de la famille Al-Assad. Une vie opulente dans un pays plongé dans la pauvreté après treize ans de guerre, durant laquelle plusieurs centaines de milliers de Syriens ont été tués, pour majorité sous le feu de l’armée d’Al-Assad.
Luxe et haute couture
« Je suis heureuse qu’ils soient partis. On ne pouvait pas vivre sous les Al-Assad, on était écrasés. Ils n’avaient qu’un mot à la bouche : le terrorisme, quand nous, on vivait sans électricité, sans eau. Je ne me sentais en sécurité que chez moi », dit la voisine, piétinant une affiche déchirée au sol où Bachar et Asma Al-Assad posent, souriants. La présence de ces voisins très spéciaux imposait au voisinage des restrictions supplémentaires. Leurs allées et venues, comme celles de tous leurs invités, étaient contrôlées par les services de sécurité de la famille.
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