Evoquant le défi que rencontre tout auteur de science-fiction devant la page blanche, le romancier Philip K. Dick le résumait par ces mots : « Comment construire un univers qui ne s’effondre pas deux jours plus tard ? » Toutes proportions gardées, c’est à une question de même nature que sont confrontés, depuis des années, tous les ministres chargés de la culture et de la communication : comment construire une réforme de l’audiovisuel public qui ne s’écroule pas, une semaine ou six mois plus tard, sous le poids des critiques, un déluge d’amendements ou un changement de gouvernement ? Comment remédier aux problèmes de fond qui minent l’audiovisuel public ?
Pour faire court : instabilité budgétaire, public vieillissant, pléthore de chaînes, de personnel, de baronnies, panne d’imagination, banalité des programmes, obésité publicitaire… Un roman de pagination russe qui lui serait consacré n’épuiserait pas le sujet.
Dernier épisode en date de ce destin kafkaïen : les tribulations parlementaires de Rachida Dati. Récente victime d’une vexatoire motion de rejet à l’Assemblée nationale le 30 juin, la ministre retourne la semaine du 7 juillet panser les plaies de son projet à l’infirmerie du Sénat. Certes, l’accumulation de ses maladresses verbales et le bruit des « affaires » qui l’entoure ont pesé contre elle. Mais cela ne peut suffire à expliquer les déboires d’un projet de réforme aussi ancien que rapiécé. Projet, rappelons-le, qui vise à l’instauration d’une holding et d’une gouvernance unique pour les antennes et sociétés du service public (France Télévisions, Radio France, INA).
Invocation quasi religieuse
On aimerait se montrer charitable, invoquer la complexité du dossier, les guerres environnantes, la canicule, que sais-je encore, mais rien n’y fait : mal conçue, mal défendue, cette réforme pourtant souhaitable, qui hante depuis si longtemps les couloirs du ministère, semble porter en elle sa propre malédiction. On ne compte plus les ministres (Françoise Nyssen, Frédéric Mitterrand, Franck Riester…) qui, face au tsunami des protestations syndicales et/ou politiques, ont dû jeter l’éponge avant même d’avoir prononcé la première syllabe du mot « holding ».
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