
L’enquête des experts européens sur la panne d’électricité géante qui a semé le chaos en Espagne et au Portugal en avril met en avant les phénomènes de surtension, « une première » en Europe, voire dans le monde, mais les causes « profondes » restent toujours inconnues.
« Il s’agit de la panne d’électricité la plus grave qu’ait connue l’Europe au cours de ces vingt dernières années et le plus important est qu’il s’agit de la première du genre » liée à un phénomène de « surtensions en cascade », a déclaré Damian Cortinas, président du conseil de l’Entso-e, le réseau européen des gestionnaires de réseau de transport d’électricité, lors de la présentation à la presse de ce rapport préliminaire, vendredi 3 octobre.
« Cela ne s’est jamais produit auparavant en Europe, nous en sommes sûrs », a-t-il fait savoir à Bruxelles. Et probablement « dans le monde entier », a-t-il ajouté. La tension électrique peut se comparer à la « pression » de l’eau dans un tuyau : appliquée à l’électricité, c’est elle qui met les électrons en mouvement. En cas de « surtension », le système électrique doit se protéger.
La panne en question s’est produite le 28 avril à 12 h 33 (heure espagnole) et a touché l’ensemble de la péninsule ibérique. Elle a provoqué le chaos tant au Portugal qu’en Espagne, où les habitants ont été privés de courant mais aussi d’Internet et de téléphonie mobile.
Des déconnexions en chaîne
Ce rapport « factuel », mené par un panel de 45 experts européens mandatés pour mener les investigations techniques, décrit l’enchaînement chronologique ayant mené à la panne généralisée et incontrôlée. Mais il ne donne pas encore les causes primaires des premiers incidents. Le groupe d’experts dévoilera au premier trimestre 2026 son rapport final, qui « comprendra une analyse détaillée des causes profondes et des recommandations sur la manière de prévenir des événements similaires dans le système électrique européen à l’avenir », selon le communiqué de presse.
La confection de ce rapport d’étape s’est appuyée sur une quantité colossale de données. Il a fallu « beaucoup de temps » pour les réunir, notamment parce que certains « tiers » « n’avaient pas donné leur consentement au gestionnaire de réseau de transport espagnol pour transmettre les données », a souligné Klaus Kaschnitz, le n°2 du panel d’experts. Certaines données restent manquantes.
Selon le rapport, la demi-heure précédant la panne a été marquée par deux épisodes de « fluctuations de puissance, de tension et de fréquence » qui ont affecté principalement les systèmes électriques espagnol et portugais.
Les gestionnaires de réseaux ont alors « pris plusieurs mesures d’atténuation, telles que la réduction des exportations de l’Espagne vers la France » qui ont « permis de limiter les fluctuations » mais ont « entraîné une augmentation de la tension dans le système électrique ibérique ».
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Ce phénomène a précédé des séries de pertes de production d’installations éoliennes et solaires suivie par des déconnexions en chaîne de plusieurs centres de production électrique. « Sans compensation adéquate par d’autres ressources du système », ces déconnexions ont à leur tour entraîné des hausses de tension, expliquent les experts dans le rapport.
Pas de dépendance excessive aux énergies renouvelables
Reste à établir la raison pour laquelle les mécanismes mis en œuvre pour atténuer cette surtension n’ont pas fonctionné. L’instabilité supposée des énergies renouvelables avait été pointée du doigt par les partisans du nucléaire. La présidente du gestionnaire du Réseau électrique espagnol (REE), Beatriz Corredor, avait au contraire évoqué le rôle de certains producteurs d’« énergie conventionnelle », issue de centrales à gaz, nucléaires ou hydrauliques, avec des seuils de contrôle de la tension placés trop bas.
En juin, la ministre de la transition écologique espagnole, Sara Aagesen, avait par ailleurs mis en cause le rôle du gestionnaire REE en expliquant que « le système ne disposait pas d’une capacité suffisante de contrôle de la tension » ce jour-là. Le rapport de l’Entso-e confirme que la panne généralisée « n’a pas été causée par une dépendance excessive aux énergies renouvelables, mais par une série d’événements en cascade aggravés par plusieurs défaillances dans le système », a commenté le centre de réflexion Ember.