Professeur à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne et auteur de Salariés, libres… Et heureux ? (Odile Jacob), Pascal Lokiec estime nécessaire que les salariés bénéficient d’une « autonomie émancipatrice », offrant des leviers d’action sur l’organisation de leur quotidien professionnel, mais aussi sur le contenu du travail et la stratégie de l’entreprise.

Vous soulignez dans votre ouvrage l’intérêt croissant des travailleurs, notamment de la jeune génération, pour le travail indépendant. Qu’est-ce qui explique cet attrait ?

Pascal Lokiec : Ils aspirent avant tout à une plus grande autonomie et à davantage de liberté. On le voit effectivement en particulier parmi les plus jeunes : ils souhaitent organiser comme ils l’entendent leur temps de travail – ce qui fait écho à l’importance qu’ils accordent à leur vie personnelle. Cela les incite à rejeter le salariat qui ne répond pas à leurs yeux à cette quête d’autonomie. En conséquence, beaucoup d’entre eux disent leur attirance pour le modèle du travailleur indépendant.

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Vous appelez justement à considérer ce modèle de l’indépendance avec prudence. Pourquoi ?

Il faut avoir à l’esprit que ce qui est parfois décrit comme le « nouveau monde », comme la voie la plus sûre vers l’autonomie, implique d’importantes prises de risque. Il faut y être prêt, avoir une capacité psychologique à assumer l’incertitude. Lorsque vous êtes travailleur indépendant, vous n’avez aucune garantie d’avoir une rémunération à la fin du mois. Vous n’avez par ailleurs pas de limite à votre temps de travail – les indépendants travaillent d’ailleurs en moyenne bien plus que les salariés. De même, vous n’aurez pas de congés payés. Enfin, le déficit de protection sociale est patent.

Pour autant, vous estimez que le salariat peine à séduire ces jeunes générations…

Elles considèrent que la notion de subordination est incompatible avec une autonomie qu’elles appellent de leurs vœux. Cette notion induit à leurs yeux un rapport de pouvoir et un assujettissement. Nous savons que le lien de subordination implique tout à la fois la direction, le contrôle et l’éventuelle sanction.

Or cette vision avait déjà cours au début du XXe siècle et paraît s’opposer à la capacité d’initiative du salarié. Les générations passées pouvaient peut-être l’accepter. Ce n’est pas le cas des nouveaux arrivants sur le marché du travail. Cette subordination est devenue, pour eux, un repoussoir.

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