Passeports pour la liberté. Histoire de Samira est le fruit d’une longue et belle histoire. Elle s’ouvre, en 2018, avec la publication d’un ouvrage du sociologue Stéphane Beaud consacré à l’itinéraire d’une famille algérienne de huit enfants de 1977 à 2017. Elle se poursuit, trois ans plus tard, avec la création, par le metteur en scène Dominique Lurcel, d’un spectacle autour de la parole de la « figure de proue » de la fratrie, Samira Belhoumi. Elle se prolonge, dans les années 2021-2024, par des représentations et des conférences dans les lycées, auxquelles ont déjà assisté plus de 10 000 jeunes.

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Depuis six ans, cette aventure « singulière et féconde », selon le mot de Stéphane Beaud, n’en finit pas de nourrir la réflexion sur le destin des enfants issus de l’immigration. Le spectacle sobre et lumineux de Dominique Lurcel est en effet suivi, dans les lycées, par un échange entre les jeunes, le sociologue, le metteur en scène et, parfois, la « vraie » Samira Belhoumi, puis par la rédaction d’un « questionnaire de réception » précisant l’âge, le sexe et la profession des parents – sans compter les nombreux courriels écrits, après la représentation, par les lycéens ou leurs professeurs.

Analysé avec beaucoup de subtilité par Stéphane Beaud, Dominique Lurcel et Samira Belhoumi, ce matériau est d’une grande originalité : il rompt avec l’usage qui veut que la lecture des sciences sociales, y compris quand elles évoquent les classes populaires, soit réservée à une élite intellectuelle. Ce voyage sociologique et théâtral en terre lycéenne assure du même coup avec brio « l’une des grandes fonctions des sciences humaines », résume le sociologue Christian Baudelot dans la postface : lutter, sur la base des faits, contre les préjugés qui enferment « l’autre dans une case », selon le mot de Samira Belhoumi.

« Capacité d’écoute insoupçonnée »

La première victoire de ce projet qui a transformé un travail de sciences sociales en un « savoir vivant, chaud et réconfortant », selon l’expression de Stéphane Beaud, est la découverte de la « capacité d’écoute insoupçonnée » des lycéens, écrit Dominique Lurcel. La seconde est la puissance, dans un pays où un tiers des moins de 60 ans comptent, sur trois générations, un ascendant immigré, de l’« effet miroir » du spectacle. « L’étonnement de ces jeunes est perceptible, constate le metteur en scène, lorsqu’ils découvrent que leur histoire, qu’ils croyaient singulière, partage bon nombre d’expériences communes à celle des autres. »

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