« Le Massacre de la Saint-Barthélemy », une huile sur bois du peintre François Dubois, exposée au Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne (Suisse).

Eminent spécialiste de l’histoire des protestants français, Patrick Cabanel s’est penché, dans Le Droit de croire. La France et ses minorités religieuses, XVIe-XXIe siècle (Passés composés, 384 pages, 23 euros), sur la construction du pluralisme religieux dans l’Hexagone.

Il s’intéresse, sur le temps long, aux relations que l’Etat a nouées avec les différentes minorités religieuses présentes sur le territoire national. De l’irruption du protestantisme dans la France toute catholique du XVIe siècle à ce début de XXIe siècle où, au sein d’une République laïque et d’une société sécularisée, toutes les religions sont devenues minoritaires, il raconte l’histoire d’un pays oscillant entre une fascination pour l’unité et la gestion de la diversité.

Avec l’apparition du protestantisme au XVIe siècle, la France est confrontée à une première forme de pluralité religieuse. Comment l’Etat gère-t-il alors cette situation ?

Au Moyen Age, la France avait déjà connu la présence de minuscules minorités juives, vaudoises ou cathares. Mais il s’agissait de groupes marginaux qu’on avait écrasés ou expulsés. Avec la Réforme, la situation n’est plus la même. Les protestants français représentent rapidement une minorité substantielle – sans doute 10 % à 12 % de la population vers 1560.

Dans un premier temps, la monarchie française voulut éradiquer le protestantisme, mais cela s’est avéré impossible. Au seuil des années 1560, elle se décide donc à le « tolérer ». Au XVIe siècle, le terme n’a pas le sens positif qu’il a aujourd’hui : il signifie uniquement que l’on accepte ce qu’on ne parvient pas à faire disparaître.

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En janvier 1562 est ainsi adopté un édit de pacification qui organise un premier « vivre-ensemble » minimal. L’Etat reste catholique et les protestants sont discriminés juridiquement, mais ils obtiennent malgré tout une certaine liberté de conscience et de culte. C’est une première forme de gestion de la pluralité religieuse.

Toutefois, les guerres de religion éclatent quelques semaines seulement après l’adoption de cet édit de janvier. Elles s’achèveront en 1598, lorsque Henri IV parviendra à imposer l’édit de Nantes – très proche sur le fond de l’édit de janvier.

L’édit de Nantes fut néanmoins révoqué en 1685. Comment comprendre que l’on renoue alors avec le fantasme de l’homogénéité religieuse ?

Parce que ce fantasme n’avait jamais disparu ! La division est toujours douloureuse et le retour à l’unité n’a donc jamais cessé d’être un horizon. Cet idéal d’homogénéité est d’ailleurs sans doute encore plus puissant dans les sociétés catholiques, hantées par l’angoisse des schismes et des hérésies.

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