• Les locaux du Rassemblement national ont été perquisitionnés mercredi dans le cadre d’une information judiciaire sur des soupçons de financement illégal des campagnes présidentielle et législative en 2022 et européenne en 2024.
  • Au cœur des soupçons : les prêts accordés par des particuliers au parti.
  • Zoom sur ce dispositif, que le RN est suspecté de déguiser en dons.

Le parti a dénoncé un acharnement, du « harcèlement ». Mercredi 9 juillet, le siège du Rassemblement national, des entreprises et les domiciles de leurs dirigeants ont été perquisitionnés dans le cadre d’une information judiciaire sur des soupçons de financement illégal des campagnes présidentielle et législative en 2022 et européenne en 2024. En cause principalement : les prêts accordés par des particuliers au RN.

Que dit la loi à propos de ces prêts ? L’article L52-7-1 du Code électoral (nouvelle fenêtre) précise que « les personnes physiques peuvent consentir des prêts à un candidat dès lors que ces prêts ne sont pas effectués à titre habituel », au risque de devenir des dons (encadrés par d’autres règles, et soumis, eux, à un plafond de 7.500 euros par an et par personne). 

Aussi, « la durée de ces prêts ne peut excéder cinq ans. Un décret en Conseil d’État fixe le plafond et les conditions d’encadrement du prêt consenti pour garantir que ce prêt ne constitue pas un don déguisé », indique encore l’article. Lorsqu’un prêt est consenti par une personne physique à un taux d’intérêt inférieur au taux légal, la durée du prêt ne peut excéder 18 mois. En outre, le montant total du prêt ne peut pas être supérieur au plafond de remboursement forfaitaire des dépenses électorales. 

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), chargée de vérifier les comptes des partis, précise qu’elle saisit le parquet « dès lors qu’un même prêteur a consenti au moins cinq prêts, répartis sur une ou plusieurs élections, d’un montant total égal ou supérieur à 75.000 euros ».

Une vingtaine de prêts dans le viseur de la CNCCFP

Ici, c’est bien sur un signalement de la CNCCFP que s’appuie l’information judiciaire visant le RN, et ses doutes concernent les prêts de particuliers, les investigations devant « permettre de déterminer si ces campagnes ont été notamment financées grâce à des prêts illégaux de particuliers bénéficiant au parti ou à des candidats du Rassemblement national ». Selon le magazine Challenges, la CNCCFP a signalé dès 2024 des prêts de 23 particuliers, qui auraient été réalisés de manière habituelle au RN, pour un montant total supérieur à 2,3 millions d’euros, entre 2020 et 2023. 

Le RN est « le parti qui les a le plus utilisés », avait expliqué le 1er juillet dernier le président de la CNCCFP, Christian Charpy. Ces dernières années, il a « concentré une forte majorité » de ce type d’emprunts : 613 en 2021 sur un total de 764 tous partis confondus, puis 425 en 2022 (sur un total de 492) et encore 96 en 2023 (sur un total de 123), selon ce responsable. Pour la seule campagne des élections européennes de 2024, le parti de Jordan Bardella s’est appuyé à plus de 87% sur quelque 225 particuliers, qui lui ont avancé près de 4,5 millions d’euros, dont une trentaine de prêts d’au moins 50.000 euros.

Ce qui semble également intéresser la justice, ce sont les difficultés ou les retards présumés du RN à rembourser ces prêts. Au total, le parti affichait fin 2023 plus de 20 millions d’encours à rembourser « auprès de personnes physiques », le plus ancien remontant à 2007. « Il est essentiel que ces prêts soient remboursés, sinon ce sont des dons déguisés », ce qui serait « contraire au Code électoral », selon Christian Charpy.

Comment voulez-vous que les partis politiques puissent deviner une disposition qui n’est pas inscrite dans la loi ?

Jean-Philippe Tanguy

Mais, pour se défendre, le Rassemblement national dénonce le flou des règles. « Le caractère habituel n’est pas défini (…) est-ce que c’est deux, trois, quatre fois ? Comment voulez-vous qu’on le sache ? Comment voulez-vous que les partis politiques puissent deviner une disposition qui n’est même pas inscrite ni dans la loi ni dans le décret du Conseil d’État ? », a dénoncé le président délégué du groupe RN à l’Assemblée nationale, Jean-Philippe Tanguy, ce jeudi sur BFMTV. « Nous avons posé la question et nous n’avons jamais eu de réponse », a-t-il argué, critiquant « un flou dans le Code électoral ».

Si le RN a autant recours à ce système, c’est parce que le refus des banques françaises de prêter au parti de Marine Le Pen est « le problème de base », a ajouté Jean-Philippe Tanguy. « Nous n’avons jamais considéré évidemment que ces prêteurs pouvaient se substituer à un financement bancaire qui, malheureusement, nous est interdit. »

Les comptes du premier parti de France présentent un solde négatif de 13 millions d’euros, selon son trésorier Kevin Pfeffer, une dette principalement nourrie des prêts accordés par des particuliers, que la justice française soupçonne donc de participer à un système de financement illégal de campagnes. 

Justine FAURE

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