Le rapport annuel du Défenseur des droits pointe une situation paradoxale.
Si le nombre des discriminations est en hausse, selon plusieurs études, celui des réclamations est en baisse.
Une contradiction que l’institution explique par une forme de résignation des personnes discriminées.
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Le Défenseur des droits, institution indépendante qui veille au respect des droits et libertés, s’alarme de l’augmentation des discriminations en France, notamment liées à l’origine, dans son rapport annuel rendu public ce mardi 25 mars. Dans ce document, Claire Hédon a souhaité « alerter en particulier sur l’ampleur et l’augmentation des discriminations en France, confirmées par de nombreuses études ».
Une « diminution paradoxale des réclamations »
L’ancienne présidente d’ATD Quart-Monde, Défenseure des droits depuis 2020, souligne néanmoins « la diminution paradoxale des réclamations » reçues en 2024 dans ce domaine, ce qui, selon elle, « met en lumière la difficulté des victimes à faire valoir leurs droits ». Le rapport s’appuie sur plusieurs études réalisées entre 2022 et 2024, portées par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA), le Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) ou encore l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), qui ont mis en évidence une augmentation préoccupante des discriminations et actes haineux en France et en Europe.
L’origine, premier facteur de discrimination
L’origine arrive en tête des appels téléphoniques reçus sur la plateforme du Défenseur des droits, avec une augmentation des appels de 49% entre 2022 et 2024. La part des réclamations, déclenchant des saisines du DDD, liées à l’origine, constitue aussi le deuxième critère invoqué par les réclamants (15%) après le handicap (22%). Quant au pourcentage de réclamations portant sur le critère de la religion, il demeure faible (environ 3%), au même niveau depuis 2015.
Une impression de résignation
Mais l’institution relève « un pic inquiétant des appels au moment des élections législatives, pour dénoncer principalement des propos et comportements racistes, antisémites et islamophobes », soit +53% entre mai et juin 2024. Le DDD avance « un contexte économique défavorable » pour expliquer cette augmentation des discriminations, mais aussi « un contexte de polarisation des opinions, nourri par certains discours politiques et médiatiques, et exacerbé par les réseaux sociaux et l’usage des algorithmes ».
L’autorité administrative indépendante s’inquiète du non-recours en matière de discrimination, corroboré par la baisse des réclamations reçues en 2024 (-15%). « Celui-ci peut s’expliquer (…) par le fait que les victimes pensaient que cela n’aurait rien changé (43%), ne savaient pas quoi faire (36%), craignaient des représailles (26%), n’avaient pas conscience à l’époque qu’il s’agissait d’une discrimination (25%) ou n’avaient pas de preuve (20%) », précise le rapport.
En 2024, le DDD a reçu plus de 225.000 sollicitations, 140.996 réclamations et demandes d’informations, 84.196 appels aux plateformes téléphoniques. Au total, 53.437 médiations ont abouti à un règlement à l’amiable et 216 décisions ont été rendues. Le Défenseur des droits, héritier du médiateur de la République et mis en place en 2011, intervient dans cinq domaines : les usagers du service public, la protection des enfants, les discriminations, la déontologie des forces de sécurité et la protection des lanceurs d’alerte.