Livre. « Plutôt mourir que d’être handicapé » : cette déclaration de Michel Drucker, répétée dans plusieurs médias alors qu’il évoquait sa lourde opération du cœur en 2021, a fait bondir Chiara Kahn et Charlotte Puiseux. L’animateur, qui a présenté plusieurs éditions du Téléthon, est pris en flagrant délit de validisme : une discrimination systémique du handicap, consciente ou non, présupposant la supériorité des corps valides. « Plutôt vivre », répondent les deux autrices en titre de leur nouvel essai, édité par Le Cavalier bleu (144 pages, 18 euros). Elles y retracent l’histoire de ce concept, traduit de l’« ableism » anglo-saxon, importé en France au début des années 2000 par plusieurs groupes militants, comme Les Dévalideuses, Handi-Social ou le Collectif lutte et handicaps pour l’égalité et l’émancipation. « Plutôt vivre » est aussi le cri de ralliement de ces activistes engagées contre la loi sur la fin de vie, adopté en juin à l’Assemblée nationale et débattu prochainement au Sénat.
Psychologue et docteure en philosophie, Charlotte Puiseux avait déjà décortiqué ces mécanismes dans De chair et de fer. Vivre et lutter dans une société validiste (La Découverte, 2022), un essai autobiographique qui analysait sa trajectoire de jeune femme atteinte d’une maladie génétique rare face aux nombreux obstacles instaurés par le handicap dans la société. Ce second livre s’appuie sur une multiplicité d’expériences vécues par les contributeurs du compte Instagram et du podcast « Conpassion », créés et animés par la journaliste Chiara Kahn.
Capitalisme et extrême droite
Les autrices rappellent que le validisme, qui instaure une hiérarchie des individus en fonction de leur capacité productive, est une conséquence néfaste du capitalisme. L’histoire du handicap en France est aussi évoquée : la mainmise des institutions religieuses, puis la prise en charge médicale, avec l’objectif de réparer les corps ou les esprits, et la mise à l’écart dans des établissements spécialisés, contraires à la charte de l’Organisation des nations unies. Avec une conclusion amère : vingt ans après l’ambitieuse loi de 2005, les discriminations persistent dans tous les domaines. Le handicap reste invisibilisé dans les médias : 1 % de temps d’antenne est consacré à un sujet touchant 20 % de la population, avec des récits caricaturaux, focalisés soit sur l’héroïsation et le dépassement, soit sur la pitié. Pour changer de regard, de nombreuses références de livres, films, séries ou podcasts sont d’ailleurs cités au fil de l’ouvrage.
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