C’est un résultat qui questionne l’efficacité de la politique de la ville menée depuis 2014 dans les quartiers dits « prioritaires », où vivent quelque 5 millions d’habitants. Les chercheuses Manon Garrouste et Miren Lafourcade, professeures à l’université Paris-Saclay, ont étudié, pour l’Institut des politiques publiques (IPP), les conséquences de la création des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) sur les collèges situés dans ces zones, où les pouvoirs publics déploient des moyens afin de réduire les inégalités économiques et sociales avec le reste du territoire. Leur étude, publiée mercredi 16 octobre, montre que cette politique, lorsqu’elle entre en œuvre, entraîne « un effet de stigmatisation très significatif » des collèges publics situés en QPV, à l’origine d’une hausse importante de l’évitement scolaire.

Après la réforme de 2014, dans les quartiers prioritaires de la ville – dont la carte a été revue pour la première fois en décembre 2023 –, la proportion de parents inscrivant leurs enfants en 6e dans un autre établissement que celui du secteur a ainsi augmenté de 3,5 points. En revanche, les deux chercheuses n’ont pas observé d’effet de la réforme de 2014 sur les choix des parents dont les enfants étaient déjà scolarisés dans le secondaire, une donnée qui « atteste du mécanisme informationnel à l’origine de la stigmatisation des collèges ».

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Cet évitement scolaire à l’entrée au collège, qui n’est pas ponctuel mais persiste jusqu’à cinq ans après l’entrée dans le zonage de la politique de la ville, est « différencié selon le statut socio-économique ou la profession du parent référent », notent les autrices. La désignation d’un quartier comme « prioritaire » aboutit ainsi à une hausse de 3,6 points de l’évitement des familles favorisés vers l’enseignement privé. Aucune fuite vers le privé n’est observée parmi les familles défavorisées, mais l’étude constate un évitement scolaire croissant vers d’autres collèges publics établis en dehors du quartier prioritaire, de l’ordre de 4,8 points de pourcentage.

Effet non « réversible »

« Ces effets d’évitement différenciés selon le statut socio-économique tendent donc à accentuer la ségrégation sociale entre les établissements publics et privés avoisinants », notent Manon Garrouste et Miren Lafourcade. Elles observent par ailleurs une légère baisse des résultats au brevet de la première cohorte d’élèves de 6e entrée au collège dans un QPV après la réforme de 2014. « Cela signifie […] que, pour les élèves restés dans le collège de secteur, cet effet de [la recomposition sociale liée à la politique de la ville] a supplanté à court terme l’effet positif des politiques de soutien à la réussite scolaire ayant pu être mises en place dans les nouveaux quartiers prioritaires », conclut la note de l’IPP.

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