
L’espoir d’un vaste accord international visant à lutter contre la pollution plastique s’est envolé. Les 185 pays qui tentaient de forger à Genève (Suisse) ce traité historique n’ont pas réussi « à trouver un consensus », ont fait savoir les délégués de l’Inde et de l’Uruguay, vendredi 15 août. « Nous n’aurons pas de traité sur la pollution plastique ici à Genève », a résumé le représentant de la Norvège au cours d’une séance plénière au lever du jour. « Les négociations pour un traité contre la pollution plastique ont échoué. Je suis déçue et je suis en colère », a réagi, dans un message sur X, la ministre française de la transition écologique, Agnès Pannier-Runacher.
Présenté au milieu de la nuit de jeudi à vendredi, un nouveau texte de compromis comportait encore plus d’une centaine de points à clarifier, après dix jours d’intenses négociations mais les chefs de délégation réunis en session informelle n’ont pas réussi à se mettre d’accord.
Théoriquement, la séquence de négociations devait s’arrêter à minuit, jeudi soir. Le président des débats est apparu brièvement peu avant l’heure limite pour ouvrir une séance plénière avant de la refermer immédiatement, ce qui a permis d’ajouter, selon les règles onusiennes, quelques heures à la concertation. Les discussions se sont poursuivies dans une ambiance enfiévrée et quelque peu désordonnée, pour tenter d’établir un texte de consensus.
Pas de limite de production fixée
D’après l’agence Associated Press, le dernier projet proposé ne fixait pas de limite à la production de plastique mais reconnaissait que les niveaux actuels de production et de consommation étaient « insoutenables » et qu’une action mondiale était nécessaire. Cela ne correspondait pas aux attentes de nombreux pays qui souhaitent définir dès à présent une limite. L’objectif du traité avait également été revu pour préciser qu’il reposerait sur une approche globale prenant en compte l’ensemble du cycle de vie des plastiques.
Le diplomate équatorien qui préside les débats, Luis Vayas Valdivieso, avait déjà subi un revers sérieux, mercredi, lorsque son texte de synthèse a été rejeté par la quasi-totalité de l’assemblée plénière des Nations unies réunissant les 185 pays impliqués dans les discussions.
Il a ensuite travaillé, directement avec les chefs de délégations régionales, pour tenter de retrouver un accord résolvant la quadrature du cercle entre les pays dits à forte ambition et ceux qui s’opposent à toute régulation forte de l’industrie du plastique.
Les chances de trouver un accord, après trois ans de négociations, étaient très minces, étant donné les profondes divisions entre les deux camps. Les « ambitieux », dont l’Union européenne, le Canada, l’Australie, beaucoup de pays d’Amérique latine, d’Afrique et d’îles, veulent nettoyer la planète du plastique qui commence à la gangrener et affecte la santé humaine. En face, les pays essentiellement pétroliers ou producteurs de plastique refusent toute contrainte sur la production et toute interdiction de molécules ou additifs dangereux. Ils souhaitent un traité axé sur une meilleure gestion des déchets et leur réutilisation.
Une production qui pourrait tripler d’ici à 2060
Sous l’œil des représentants des industries pétrochimiques présents dans les couloirs, les pays représentés ont déjà échoué une fois à produire un texte commun lors de la dernière séquence de négociations, à Pusan, en Corée du Sud, fin 2024.
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Les auteurs du texte « utilisent une technique bien connue : introduire d’abord un texte inacceptable, puis revenir avec un texte médiocre à prendre ou à laisser, qui montre une amélioration à la marge, mais reste loin de ce dont nous avons besoin pour faire face à la crise plastique » a souligné l’ONG CIEL, dans un bref communiqué.
Le sujet est d’autant plus important que la planète a produit plus de plastique depuis 2000 que durant les cinquante années précédentes, en majorité des produits à usage unique et des emballages. Et la tendance s’accélère : si rien n’est fait, la production actuelle, de quelque 450 millions de tonnes par an, devrait tripler d’ici à 2060, selon les prévisions de l’Organisation de coopération et de développement économiques. Or moins de 10 % sont recyclés.