Dans « The Substance », une ex-gloire hollywoodienne donne naissance à son clone rajeuni suite à une mystérieuse injection.
Porté par les performances fabuleuses de Demi Moore et Margaret Qualley, c’est le deuxième film de la réalisatrice française Coralie Fargeat.
Après avoir fait craquer les spectateurs américains, ce conte macabre qui dézingue le culte de la jeunesse sort ce mercredi sur nos écrans.

C’est l’histoire d’une actrice qui a dépassé la date de péremption. Délaissée par le cinéma, Elisabeth Sparkle s’est reconvertie coach d’aérobic dans un show coloré sur le petit écran. Jusqu’au jour où son Trumpiste de producteur lui montre la porte, en quête d’une remplaçante plus fraîche, plus souple, plus désirable. 

Après avoir été victime d’un accident de la route, notre héroïne est approchée par un jeune infirmier qui lui confie une clé USB pouvant résoudre tous ses problèmes. De fil en (grosse) aiguille, la voilà qui s’injecte un sérum fluo dont les effets ne se font pas attendre : son clone rajeuni pousse à vitesse grand v sous sa chair de femme mûre… et s’en extrait au cours d’une séquence hallucinante. Bienvenue dans The Substance.

Dans le sillage d’une nouvelle génération qui casse les codes à l’image de Julia Ducournau, la réalisatrice de Grave et de la Palme d’or 2021 Titane , Coralie Fargeat avait tapé dans l’œil des amoureux du cinéma de genre en 2017 avec Revenge, l’histoire d’une jeune Américaine qui règle leur compte aux trois frenchies qui l’ont laissée pour morte après avoir abusé d’elle. Un galop d’essai réussi pour cette fan de David Cronenberg, David Lynch et autre John Carpenter, par ailleurs militante du collectif 50/50 qui œuvre pour l’égalité entre les hommes et les femmes dans l’audiovisuel.  

J’avais envie de tout, sauf de me censurer

La réalisatrice Coralie Fargeat

Récompensé par le prix du scénario au 77ᵉ Festival de Cannes, The Substance conjugue la passion de son auteure pour le « body horror » et ses engagements personnels en proposant une satire au vitriol du culte de la jeunesse, du patriarcat et de l’hypersexualisation des corps. « Le fait d’avoir situé cette histoire à Hollywood, c’est une métaphore symbolique de tout ce que les femmes traversent ou ont traversé à un moment donné« , nous confiait-elle sur la Croisette. « Et j’avais envie de tout, sauf de me censurer. »

Conte macabre sous les palmiers, The Substance a été tourné entre la Seine-Saint-Denis et la Côte d’Azur avec deux comédiennes américaines. Elisabeth est incarnée par Demi Moore, l’icône des années 1990 qui livre la performance la plus audacieuse de sa carrière. « Ce scénario lui est arrivé à une période où elle avait traversé des choses difficiles, aussi bien dans sa vie professionnelle que personnelle« , souligne la réalisatrice. « Je pense aussi qu’elle a senti la force du rôle en tant que comédienne, tout ce qu’elle pouvait exprimer. »

Coralie Fargeat à Cannes avec ses comédiennes, Margaret Qualley et Demi Moore – AFP

Son double, baptisée Sue, a les traits de Margaret Qualley, la fille d’Andie McDowell, l’une des comédiennes les plus demandées du moment. L’une des plus libres, aussi, à l’image de ses prestations récentes dans Pauvres Créatures et Kinds of Kindness de Yórgos Lánthimos . Deux générations réunies pour tourner la page du sexisme dans l’industrie du spectacle et au-delà ? Pas si simple. « En lisant la biographie de Demi, j’ai compris à quel point il lui avait été difficile de s’imposer dans ce monde très masculin du cinéma à l’époque« , souligne Coralie Fargeat à propos de la star de Ghost.

« Margaret est jeune et belle, pour elle c’est facile de s’en foutre de s’enlaidir à l’écran« , poursuit la réalisatrice. « Mais d’après moi, la nouvelle génération est confrontée exactement aux mêmes problèmes. Ce sont juste les outils qui sont différents. Aujourd’hui c’est Instagram, TikTok, tous ces filtres… Ce que beaucoup de femmes font sur les réseaux reste dicté par des mécanismes inconscients qui les conditionnent à penser que si on ne s’exhibe pas, on n’a pas d’existence. »

Sans concession sur le fond, The Substance l’est aussi dans la forme. Sa réalisatrice multiplie les gros plans et plonge sa caméra dans la chaire de ses héroïnes, secouée, perforée, malmenée… et métamorphosée. Sur la Croisette, la projection officielle a été marquée par quelques évanouissements bien compréhensibles pour un public de non-initiés. Aux États-Unis, où le film est sorti fin septembre, ce parti pris radical a été salué par une nouvelle génération de spectateurs, avec déjà plus de 15 millions de dollars de recettes. Le public français en fera-t-il autant ?

>> The Substance de Coralie Fargeat. Avec Demi Moore, Margaret Qualley, Dennis Quaid. 2h20. En salles


Jérôme VERMELIN

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