D’innombrables défis attendent le gouvernement de Michel Barnier, dont la composition devrait être annoncée avant le dimanche 22 septembre. Mais l’un d’eux, la Nouvelle-Calédonie, relève de l’urgence absolue. Non seulement parce que la situation sécuritaire et économique y est alarmante pour près de 300 000 de nos compatriotes depuis le début, en mai, de l’insurrection violente, mais aussi parce que la France se doit d’y réussir ce qu’elle a si souvent raté dans le passé : une décolonisation.

Le renouvellement à Matignon doit permettre un changement total de méthode politique après que celle suivie par les précédents gouvernements a abouti à une tragique faillite. Un quart de siècle après l’accord de Nouméa de 1998, qui proposait aux Néo-Calédoniens « un destin commun » et, à terme, une « complète émancipation », après trois référendums sur l’indépendance qui n’ont rien réglé, il s’agit d’avancer vers une nouvelle formule de souveraineté pour ce territoire, où le 24 septembre, date de la prise de possession par la France en 1853, demeure une date sensible.

En instrumentalisant, pour obtenir un accord, la question du corps électoral, sujet existentiel et inflammable qui renvoie à l’histoire de cette colonie de peuplement où la France a toujours cherché à déborder numériquement les Kanak, en faisant voter le projet de loi constitutionnelle renforçant le poids des autres communautés, Emmanuel Macron a débouché sur une impasse sanglante. Treize personnes sont mortes depuis mai, et l’incertitude est totale sur les élections provinciales, déterminantes, prévues d’ici au 15 décembre. La première décision que doit prendre le nouveau gouvernement d’ici au début novembre porte sur la tenue ou le report de ce scrutin.

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L’insécurité à la fois personnelle et alimentaire que continuent de vivre les habitants du Caillou, ainsi que la radicalisation de ses forces politiques, rendant difficile l’organisation d’élections sereines, tend à commander leur report. Mais cette direction – à laquelle sont opposés les plus radicaux des indépendantistes – ne saurait être prise sans une sérieuse concertation.

Un crash politique

Michel Barnier doit mettre à profit la nouvelle situation de cohabitation pour prendre la main sur le dossier néo-calédonien, transversal par définition, comme du temps de Michel Rocard, et rompre avec une gestion éclatée entre des ministres aux intérêts parfois contradictoires, qui fait du président le seul arbitre. La lettre que vient d’adresser le nouveau premier ministre aux quatre parlementaires néo-calédoniens, afin de solliciter leur avis sur la tenue des élections provinciales, est à cet égard de bon augure. En parallèle, la reconstruction du territoire dévasté par les émeutes suppose une décision budgétaire pour un montant estimé à un milliard d’euros au moins par an pendant cinq ans.

Surtout, les leçons du crash politique sur la Nouvelle-Calédonie doivent être tirées. La question cruciale du corps électoral ne saurait être dissociée de la discussion sur un projet global de souveraineté et de citoyenneté pour le territoire. L’urgence est à la reprise d’un dialogue, large et patient, et à une stricte impartialité de l’Etat, que la nomination comme secrétaire d’Etat, en 2022, de Sonia Backès, présidente loyaliste de la province Sud, avait lourdement compromise. Telles sont les conditions pour retrouver un degré de confiance minimal sans lequel le retour de la paix civile n’est guère envisageable.

Le Monde

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