En costume et cravate noirs, Emmanuel Macron a solennellement alerté les Français sur le grand basculement géopolitique en cours depuis que Donald Trump s’est rapproché de Vladimir Poutine aux dépens de l’Ukraine et de l’Europe. Au cours d’une allocution télévisée, mercredi 5 mars, le chef de l’Etat a insisté sans verser dans l’emphase sur le caractère historique et dangereux du moment, en évoquant l’entrée dans « une nouvelle ère » dominée par « la brutalité », où « la prospérité et la sécurité » ne sont plus acquises.

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Le temps de l’explication s’imposait. Après avoir assisté, médusés, à l’altercation télévisée du 28 février, au cours de laquelle le président des Etats-Unis et son vice-président, J. D. Vance, ont attaqué le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, les Français commencent à prendre conscience qu’un monde s’est écroulé. S’exprimant à la veille du sommet européen de Bruxelles qui devait acter, jeudi 6 mars, un renforcement massif de la défense du Vieux Continent, Emmanuel Macron a décrit de façon quasi clinique la vulnérabilité dans laquelle se retrouvent non seulement l’Ukraine mais aussi la France et l’Union européenne après le retournement américain.

Il s’est montré particulièrement ferme à l’égard de la Russie, qui, dit-il, se réarme depuis des années, continue de le faire, « teste nos limites » et constitue « une menace qui touche les pays d’Europe ». Il a ménagé Donald Trump en affirmant vouloir « croire que les Etats-Unis resteront à nos côtés », mais s’est dit prêt à endosser le rôle de défenseur du camp démocratique et humaniste si la dérive outre-Atlantique devait se poursuivre, invoquant notamment une « certaine idée de la vérité » parmi les valeurs à défendre.

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Très actif ces dernières semaines sur la scène internationale, M. Macron s’est déclaré disposé à ouvrir le débat stratégique sur la protection par la dissuasion nucléaire française des alliés du continent européen. L’annonce d’une réunion, la semaine prochaine, à Paris, des chefs d’état-major des pays prêts à prendre leurs responsabilités pour garantir une future paix en Ukraine, alors que l’idée d’un déploiement de forces européennes est toujours à l’ordre du jour, est une autre façon d’affirmer le leadership français dans cette séquence où se joue l’avenir de l’Europe.

Réveil budgétaire

L’autre objectif de l’intervention présidentielle était, dans ce contexte de menaces, de sonner l’heure d’un douloureux réveil budgétaire. Il faudra « des réformes, du choix, du courage : le moment exige des décisions sans précédent », a prévenu le chef de l’Etat en réfutant de nouveau les hausses d’impôts. Le réarmement du pays, bien plus endetté que ses voisins, place l’exécutif dans la situation très délicate d’avoir à remettre à plat les dépenses de l’Etat, des collectivités locales et de la Sécurité sociale pour trouver des gisements durables d’économies. Le premier ministre, François Bayrou, le répète depuis des semaines sans parvenir à enclencher le mouvement tant son assise politique est étroite, conséquence de la dissolution de l’Assemblée nationale, en juin, qui a considérablement affaibli l’exécutif.

A l’heure de la mobilisation, une partie du bilan d’Emmanuel Macron joue contre lui, même s’il a été clairvoyant sur la nécessité d’une Europe autonome. C’est en s’appuyant sur l’inquiétude des Français qu’il tente de nouveau de faire pression sur les partis politiques pour les contraindre à prendre conscience de la nouvelle réalité, celle de la disparition du monde d’hier.

Le Monde

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