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La lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans l’enseignement supérieur et la recherche constitue une priorité. Si la prévention représente un volet important du plan national de lutte consacré au sujet en octobre 2021, un traitement adapté des situations de violences sexistes et sexuelles est également essentiel. Actuellement, les auteurs de ces violences, lorsqu’ils sont enseignants-chercheurs ou enseignants, sont poursuivis devant les sections disciplinaires des conseils académiques, ou des organes qui en tiennent lieu, des établissements d’enseignement supérieur et de recherche. Ce sont des juridictions administratives spécialisées, composées de membres élus au sein des conseils de l’établissement et qui relèvent en appel du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (Cneser).
Le fonctionnement de ces juridictions administratives spécialisées soulève de nombreuses difficultés. D’une part, dans beaucoup d’établissements, les sections disciplinaires ne sont tout simplement pas constituées. Aussi, en cas de saisine, leurs membres sont désignés dans l’urgence, de surcroît très souvent par défaut en l’absence de candidats intéressés. D’autre part, il est souvent difficile pour leurs membres de ne pas se trouver en situation de conflit d’intérêts. En général ils connaissent, de plus ou moins près, l’auteur présumé qui, par définition, est un de leurs collègues. Cela contraint l’établissement à solliciter le dépaysement de l’affaire, qui est alors renvoyée devant la section disciplinaire d’un autre établissement… pour autant que le dépaysement soit juridiquement possible, ce qui n’est pas toujours le cas pour les écoles dont les statuts peuvent ne pas prévoir une telle possibilité.
Enfin, le nombre de sections disciplinaires et la difficulté, pour ne pas dire l’impossibilité, de former leurs membres à ce rôle juridictionnel très particulier, se traduisent par l’imprévisibilité des décisions rendues, souvent marquées par un nombre élevé d’absences de sanction prononcées, ou de sanctions non proportionnées à la gravité des faits. Aussi, beaucoup de chefs d’établissement renoncent-ils d’emblée à les saisir, considérant que le signal adressé aux victimes présumées par un jugement inapproprié serait encore plus négatif que l’absence de poursuites.
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