Une chronique parue le 18 septembre 2025 dans Le Monde expliquait que l’usage du smartphone était symptomatique d’une « économie de l’inattention » (« L’usage inconsidéré du téléphone portable au travail reviendrait à ajouter six jours fériés au calendrier », par Béatrice Madeline). Ses conséquences : de très sérieuses pertes en productivité organisationnelle, équivalentes à six jours fériés par an à l’échelle sociétale, et des dégâts sur la santé mentale des individus.

Mais pourquoi adopter un discours alarmiste sur le fait de ne pas être constamment productif sur son lieu de travail, alors même que cela semble impossible ? Nous pourrions nommer « activités de non-travail » ces instants où l’on n’est pas, ou peu, efficace. Procrastiner en ligne est la plus répandue d’entre elles, mais la thèse que j’ai consacrée à ce sujet en compile 37 autres.

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Cela montre bien qu’au travail, on ne travaille pas tout le temps, même si techniquement il le faudrait. La frontière entre travail et non-travail est floue, difficilement qualifiable et, donc, quantifiable. En outre, il y a du travail dans le temps personnel, hors du lieu où l’on est employé, qui passe de façon privilégiée par l’usage du smartphone. Ce recours à la quantification mériterait d’être nuancé de façon plus qualitative.

Des pratiques jugées a priori personnelles

Que penser de la consultation de courriels au réveil ? Du bouclage d’un dossier sur le trajet retour ou chez soi ? Cette colonisation du travail dans les espaces-temps hors travail, nourrissant de nombreux débats sur l’équilibre vie professionnelle-vie privée – droit à la déconnexion, par exemple – n’est pas considérée dans l’article. Or, la fluidité entre espaces-temps professionnel et personnel est largement constatée en recherche, et le smartphone s’en fait le support privilégié. Là se trouve pourtant une piste sérieuse en faveur de la santé mentale.

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Il n’y a rien de farfelu, alors, à s’intéresser au phénomène inverse : s’adonner à des activités non professionnelles alors même que l’on est au bureau. Le téléphone cristallise des pratiques jugées a priori personnelles, alors qu’en réalité, les interlocuteurs et les sujets intimes et professionnels se mélangent allègrement. On échange sur WhatsApp avec ses proches, mais aussi avec ses collègues, on évoque sa vie privée en contexte professionnel et on parle de ses problèmes de travail à sa famille et à ses amis.

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