La France a été condamnée, pour la première fois, jeudi 26 juin, par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour un contrôle d’identité discriminatoire. Six Français d’origine africaine ou nord-africaine avaient saisi la haute juridiction, en 2017, pour protester contre ces « contrôles au faciès ». La Cour a rejeté cinq de leurs requêtes, mais a considéré que l’un d’eux, contrôlé par la police en 2011 dans le centre de Besançon, avait bien été victime d’une discrimination.
« C’est une grande victoire, s’est félicité l’avocat des requérants, Slim Ben Achour, d’abord pour les victimes, ensuite pour le droit. Cette décision incite la France, mais également les pays européens, à prendre des mesures contre cette pratique particulièrement odieuse. »
La décision est importante, mais souffre d’une réelle ambiguïté : la Cour assure, d’un côté, que « les contrôles d’identité motivés par les caractéristiques physiques, associés à une origine réelle ou supposée » sont en France bien établis, et ne peuvent certes se réduire « à des cas isolés », mais conteste qu’il s’agisse d’une pratique « systémique » ou « généralisée ». Le Conseil d’Etat avait eu une analyse comparable en 2023, au mot près : Mattias Guyomar, le président français de la CEDH depuis le 30 mai, a fait toute sa carrière au Conseil d’Etat.
« C’est une décision tout à fait significative, analyse le juriste Nicolas Hervieu, l’un des meilleurs spécialistes de la juridiction, mais la Cour donne le sentiment de s’être arrêtée au milieu du gué, et d’avoir voulu ménager le gouvernement. Par ailleurs, elle est tenue d’examiner les cas un par un, par le petit bout de la lorgnette alors que les contrôles d’identité sont massifs, et leur nombre fait sens. »
47 millions de contrôles en 2021
Les contrôles sont « l’opération de police la plus pratiquée en France », a reconnu en 2023 l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), et ils sont « quasi systématiquement associés à la palpation de sécurité ». La Cour des comptes a estimé leur nombre à 47 millions pour l’année 2021, et il n’est pas sérieusement contestable que les contrôles « au faciès » soient légion. Une étude du Défenseur des droits en 2017 a établi que « les jeunes hommes perçus comme noirs ou arabes » étaient contrôlés vingt fois plus que les autres.
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