Après la dissolution de l’Assemblée nationale, la concertation sur les objectifs énergétiques de la France à horizon 2035 est repoussée à juillet, a appris TF1.
À ce stade, le gouvernement assure que le décret qui définira les priorités d’investissement dans le secteur sera publié à la fin de l’année.
La filière, en manque de visibilité, est inquiète.

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Crise de l’énergie en France

Parmi les nombreuses inconnues nées de l’annonce surprise d’une dissolution de l’Assemblée nationale dimanche par Emmanuel Macron, il y a l’avenir des filières énergétiques françaises. Car le secteur attend depuis de longues semaines la feuille de route du pays en la matière. Annoncé en conseil des ministres pour début février, le projet de loi sur l’énergie avait été amputé en janvier de ses objectifs de production par énergie et de réduction des émissions de carbone. Soit la programmation pluri-annuelle de l’énergie (PPE), fixant les objectifs tous les cinq ans, et la Stratégie nationale bas-carbone.

Raison du report évoquée par Bercy à l’époque ? La nécessité de « finaliser le travail de consultation sur notre stratégie pour l’énergie et le climat » et de « trouver de nouveaux consensus« . Gabriel Attal avait dès lors annoncé une grande consultation nationale. Puis l’idée d’une loi avait disparu, sur fond de difficulté pour le gouvernement à former une majorité au Parlement autour des sujets d’énergies. 

Une feuille de route déterminante pour les objectifs climatiques de la France

Un décret était finalement annoncé, avec une présentation cette semaine du texte et une concertation qui devait démarrer en juin. Mais la dissolution a aussi pour effet de reporter ce calendrier. À ce stade, l’entourage du ministre de l’Industrie, Roland Lescure, explique à TF1 qu’en raison de la période de réserve ouverte par la campagne pour les législatives, la concertation sur la programmation pluri-annuelle de l’énergie se tiendra finalement en juillet « afin de permettre au plus grand nombre d’y participer« . Le décret, gravant les objectifs énergétiques, est, lui, toujours « attendu en fin d’année comme annoncé« , précise-t-on.

Mais cela dépendra bien sûr de la majorité qui sortira des urnes le 7 juillet et de la composition du futur gouvernement. « La PPE et la SNBC sont des feuilles de route stratégiques et essentielles à la fois pour que la France respecte ses objectifs climatiques, mais aussi pour le secteur énergétique, dont les acteurs ont besoin de visibilité à long terme pour réaliser des investissements souvent lourds », s’inquiète un spécialiste du secteur.

Sur les renouvelables, la France déjà en retard

La situation est d’autant plus préoccupante qu’elle arrive au moment même où la Commission européenne a mis en garde la France sur le non-respect des objectifs en matière d’énergies renouvelables, lui donnant deux mois pour présenter un programme de développement permettant de les atteindre. Faute de quoi, les aides aux régions pour développer des parcs seront suspendues.

« C’est grave ce qui se passe, a réagi le président du Syndicat des énergies renouvelables (SER), Jules Nyssen (…) On est dans une instabilité complète, alors qu’on a besoin de sécurité juridique et de visibilité. Et on va en payer cher le prix. Aujourd’hui, on rebat les cartes, le gouvernement futur va pouvoir refaire ses choix. » « On peut vraiment en vouloir » au gouvernement sortant d’avoir fait traîner le sujet, ajoute-t-il. 

Car aujourd’hui les risques d’un retour en arrière sur les objectifs climatiques de la France existent. Sur les énergies renouvelables par exemple, Marine Le Pen et le RN défendent l’idée d’un moratoire sur l’éolien avec un « démantèlement » des parcs. Or, tous les scénarios établis par différentes instances, notamment RTE, pour permettre à la France de baisser ses émissions de gaz à effet de serre sont en partie basées sur les énergies renouvelables.

Des procédures en stand-by

Au-delà de ces textes clés, des échéances approchent et le plus grand flou règne sur leur réalisation. A titre d’exemple, l’AFP cite le « méga appel d’offres » attendu pour l’éolien en mer une fois révélées en septembre les zones propices d’implantation des futurs parcs ; le soutien aux gaz renouvelables qui ont déjà atteint les objectifs de capacités prévus par la précédente programmation ; la mise en oeuvre de contrats commerciaux passés par EDF dont une étape clé était attendue en juin pour sécuriser l’avenir de l’électricien endetté. La filière de l’hydrogène vert est, elle aussi, en attente d’une stratégie du gouvernement, qui devait être présentée cet été. « Ce manque de visibilité pèse sur une filière qui a besoin de faire des investissements lourds et à long terme« , assure un expert.

Le secteur de la rénovation énergétique, clé pour faire baisser les émissions de la France, est, lui aussi, dans l’expectative. Victor Breheret, chez Effy, l’une des entreprises du secteur, a dressé la liste des textes aujourd’hui bloqués :  un texte sur des facilités administratives pour installer des panneaux solaires résidentiels, un texte soumettant les meublés de tourisme au calendrier des passoires thermiques « afin d’empêcher les propriétaires bailleurs de passoires, interdits de location sur le parc classique, de transformer ces dernières en meublé de tourisme énergivores« , la proposition de loi sur les travaux de rénovation énergétique qui était attendue en commission le 12 juin, mais aussi le projet de loi de lutte contre les fraudes aux aides à la rénovation.

Enfin, dernière inconnue, la présentation du Plan national d’adaptation au changement climatique, qui devait dessiner la façon dont la France s’adapte et se transforme dans un réchauffement à + 4 degrés. Il est, lui aussi, « repoussé« .


Marianne ENAULT

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